Les COURS de L’EPIC

En 2018


4 juin 2018 – soins en prison par l’équipe du CMP – Maison d’arrêt de Blois : Léo BONNOT et Sylvie BOURDILLON

22 janvier 2018 – La souffrance au travail par Lise GAIGNARD

Compte-rendu et bibliographie à venir

En 2017


9 Octobre – 13 Novembre 2017 – Les Packs par Juliette PLANCKAERT

Document n° 1 – LE PACKING N’EST PAS L’EXTRÊME-ONCTION

« Le pack, c’est une relation, c’est du chaud et c’est des gens, c’est là que j’ai commencé à me sentir exister ».Dominique

Je signifie par cet intitulé que le packing ne se réduit pas à un liquide salvateur que des officiants appliquent à des malades psychiques, avec un rituel standardisé, dans des situations désespérées. Et si l’extrême–onction s’administre, le pack se partage.1

Cet intitulé m’est venu dans le travail de réflexion, qu’on nomme supervision, avec des équipes de travail accueillant des populations très différentes : l’une des enfants polyhandicapés et autistes, les autres des adultes hospitalisés en psychiatrie. La rencontre entre leur expérience, leur vécu et nos échanges a amené dans ces équipes l’idée d’enveloppements sans mouiller les draps. Les raisons invoquées étaient différentes dans chacune des équipes, mais l’idée est apparue au printemps dernier, simultanément dans ces quatre institutions bien distinctes, dont le seul lien est d’être écoutées et soutenues dans leur entreprise de packing par la même personne qui a contribué à leur formation. Il n’avait jamais été question de ces « packs secs », appelés parfois « packs chauds » chez les enfants. C’est donc que la notion d’enveloppe est primordiale dans ce dispositif de psychothérapie : l’enveloppe des draps permettant celle des soignants.2 L’attitude extérieure et intérieure des soignants est très sensible à la personne enveloppée, d’où l’importance d’aborder en réunion ce qui se passe dans notre contre-transfert.3

  • Le packing n’est pas le soin de la dernière chance

Au moment où je pensais à ce que j’allais vous dire, Esther m’a remis un texte évoquant sa récente première rencontre avec un psychiatre, dans la clinique où elle avait été hospitalisée encore adolescente. Un séjour hospitalier avait été organisé pendant ses vacances, elle avait besoin, disait-elle, de répit et de se vautrer. Par courrier, ce praticien avait eu connaissance qu’elle se battait efficacement contre la schizophrénie depuis 20 ans, en s’engageant après une hospitalisation, dans une psychothérapie psychanalytique. Nous avions entrepris ensemble cette lutte, puis, avec d’autres membres de l’équipe, elle avait eu pendant plus de six mois des packs hebdomadaires, ambulatoires. Elle en attendait de développer les capacités de passer son permis de conduire, après avoir pris cent leçons en vain. Avec le recul, ce qu’elle signifiait par là, c’était son souhait de conduire sa vie comme une personne non-malade, non invalidée par la psychose.

Ce texte, où pour la première fois elle essaie spontanément d’expliciter par écrit ce qu’elle ressent dans la relation transférentielle, aborde une des diverses façons d’être touché : car on ressent le toucher, non seulement par les organes des sens, mais aussi par un sentiment, une ambiance, une invitation.

Le toucher tactile, donc par l’intermédiaire de notre peau, est le sens le plus archaïque4, et c’est le seul sens qu’on éprouve en le faisant éprouver. Ainsi, le soignant-packeur est immédiatement concerné s’il s’y engage vraiment, car qu’il permette à la personne enveloppée de prendre appui sur ses cuisses, ou qu’il pose la main sur son ventre, sensible au moindre souffle, ou qu’il contacte le torse ou les bras en relation directe avec les modifications de chaleur ou le moindre frémissement, tout fait résonance en lui. Attention de ne pas y faire « résonnance » en récupérant et organisant tout cela dans de l’explicatif.

Voici posé le contexte présentant ce qui m’amène à vous lire ce texte qui m’a touchée et me justifiait dans ce qui se passait entre nous, Esther et moi, depuis si longtemps. Je le relie à ce qu’écrit G. Benedetti5 : certains thérapeutes non seulement s’approchent de leurs patients, mais aussi se mettent à leur place pour endosser et surmonter leurs troubles et leurs angoisses.

Dans cet écrit, Esther commence par constater le ressenti de la rencontre avec ce psychiatre inconnu qui lui a parlé comme à une personne normale. Cela l’amène à le comparer avec celui du début de notre relation, vingt années plus tôt :

« Il m’a parlé comme à une personne normale—

– et toi là- dedans ? tu as parlé à la personne malade que j’étais

-Comment ? comme à une personne malade ? non, mais de façon à te faire comprendre par moi— Tu as utilisé tous les arguments. Et la personne malade que j’étais a été convaincue – ou du moins consentante – tu l’as touchée ». Esther.6

Elle précise : bien qu’elle soit malade, je me suis intéressée à elle-malade et elle a été touchée. Elle a pu le supporter, d’autres ne le peuvent : car tout comme il nous est difficile d’approcher certaines souffrances, certaines personnes ne se laisseront approcher – physiquement et psychiquement – que dans le packing. Ce toucher était le premier contact permettant qu’elle s’engage dans une entreprise personnelle pour se soigner, et non plus d’être suivie7 par une équipe psychiatrique. Il y a eu là pour elle un contact psychique.

Puis viendront d’autres échanges de toucher au cours des jeux, paroles et créations plastiques qui sont proposés dans le groupe de psychothérapie où il est possible de garder sa marge de protection-isolement. Puis est arrivé le packing.

Ce n’est que plus tard qu’un autre toucher, contact affectivo-psycho-tactile, favorisé par le médiateur-drap-mouillé, toute sa peau étant contactée, a été proposé : Esther a accepté la cure de packs. On verra plus loin que pour d’autres aussi comme Germaine et les enfants gravement malades, il n’est possible d’établir un contact psychique intime que par l’enveloppement dans le pack et le toucher qu’il permet. L’enveloppe des draps permet d’accepter l’approche des soignants, cette double peau va établir, ou commencer à différencier un soi distinct de l’autre, (alors que le bébé dans une identité adhésive8 se sent une peau commune avec sa mère et quand il est détaché d’elle, ce peut être comme un arrachement9), et la personne enveloppée et étanche va pouvoir ouvrir le « verrouillé » pour accéder sans risque à son monde interne.

Cependant, il n’y avait pas d’urgence : l’extrême-onction ne s’imposait pas. Certes elle avait dû être hospitalisée pour une réémergence de troubles dissociatifs et délirants. Pourtant, elle continuait assidûment ses séances de psychothérapies individuelles et en groupe, rencontrait régulièrement, avec confiance, son psychiatre, acceptait les neuroleptiques, s’occupait du mieux qu’elle pouvait de ses enfants très aimés, de la maison et allait à son travail à tiers-temps. Jusqu’à cette recrudescence délirante, le plus pathologique de sa vie extérieure, était qu’elle supporte la veulerie, la violence et l’alcoolisme de son mari.

Toutefois, cette structure soignante ne suffisait pas à la tenir en marge de la psychose, et nous n’avions pu éviter cette réhospitalisation sous contrainte.10. C’est à ce moment que le packing a été proposé pour elle. Les ambulanciers l’avaient touchée de façon brutale : à l’hôpital, on allait l’envelopper avec calme.

  • Le packing en dialectique avec les autres investissements psychothérapiques va ouvrir l’accès à l’inabordable. Il permet un passage pour aborder ce qui n’a pu l’être autrement.

Pourquoi des packs : les deux autres psychothérapies ne suffisaient-elles pas ? Pouvait-on comparer ce projet à un voyage à Lourdes ?  On la tremperait dans une eau sacrée pour lui ôter du corps la folie, et continuer nos psychothérapies plus convenables ensuite. Voilà comment nous avons alors pensé la situation : pendant cet accès, Esther était si déconstruite par la débâcle délirante qu’on ne pouvait parler avec elle, elle prenait la fuite. Par contre, elle était approchable pour les soins de nursing que ses troubles rendaient indispensables. Nous lui avons proposé de la prendre en compte psychiquement et physiquement dans les draps du pack.

Maintenant, dans l’après-coup, je peux analyser davantage la chronologie de l’évolution de la situation. Après que mes paroles attentives et circonspectes l’avaient « touchée », nous avions pu commencer un travail d’apprivoisement. Ce travail s’étayait sur la petite et fragile partie saine en elle, mince cloison qui maintenait désespérément son monde interne dans une bulle protectrice. Parfois, cela lui demandait trop d’efforts, la pression pulsionnelle interne était si violente qu’elle faisait irruption : un après-midi alors qu’elle paraissait réservée et contenue comme à l’accoutumée, elle avait attrapé résolument une chaise et l’avait jetée par la fenêtre du deuxième étage du CMP où avait lieu les séances, (après qu’elle avait, comme chaque fois, repéré sur la carte routière murale la ville d’exercice de son premier psychiatre). Rien n’avait pu se dire sur ce geste, sans conséquences heureusement : il n’y avait personne dans le jardin. Nous n’avons pu en reparler que récemment.

Alors, comment travailler avec ce qu’il y avait derrière ce mur ? Je l’avais effleuré, elle s’était sentie touchée avec respect, c’est tout ce qui était possible. Déjà, elle avait accepté que je m’adresse à « la personne malade qu’elle était », dans une camaraderie de travail psychothérapique. Or jusque-là, elle attendait de ses médecins une camaraderie amoureuse. Elle ne pouvait approfondir davantage le travail sans risquer de graves dégâts, c’est-à-dire tomber en vrac, (ce que nous n’avons quand même pas pu éviter). Ainsi, au début des séances, alors que j’essayais par ma présence, de m’ouvrir intérieurement à elle, pour tenter d’aller avec elle en deçà de ce mur11), cela m’avait tant mobilisée que mon ventre était devenu très bavard : elle m’a reproché vivement de ne pas tenir ma place !12 Je me le suis tenu pour dit, maintenant nous avons aussi pu en reparler.

Ainsi, ses stimuli internes restaient bien gardés, elle ne voulait pas trahir leur existence et pouvait juste venir être-avec-moi, accueillie et respectée et touchée par ma seule présence réservée. Elle éprouvait ma fiabilité et en profitait : cela aurait pu durer longtemps sans avancer. Il fallait qu’elle soit secourue, en amont, là même où elle avait dû se calfeutrer : là avec ce qu’avait été la vie du bébé-Esther13. Car bébé, si elle avait été nourrie de lait, son sensorium ne l’avait pas été. Elle n’avait pu être assouvie quand s’associait à ce besoin ce que Freud a qualifié « hallucination du désir », représenté psychiquement par un complexe de sensations dans lequel celle d’être portée sera présente, portée en sécurité affective, psychique et physique. Et, je cite Pierre Delion 14 « le bébé n’a pas pu appuyer progressivement son sentiment continu d’exister sur la sensation tactile qui accompagne toutes les autres sensations…/… quand les sensations sont trop fortes, le bébé dès lors saturé et incapable de les intégrer dans son appareil psychique va se démanteler, c’est-à-dire « dissoudre ce qui entre les îlots de sensations faisait lien ». Il y avait tout cela dans le jet de cette chaise : quand cela ne tient plus ensemble, elle-chaise tombe. Il lui fallait me donner à voir ses irruptions pulsionnelles et éprouver ma fiabilité face à celles-ci. Ce jet de chaise en était la version contenue, certes dans l’acting-in, de la thérapie.

Car pour Esther les sensations internes – les stimuli internes – réchauffés par ma présence régulière faisaient pression sur le mur, elle ne pouvait encore les intégrer dans son appareil psychique, car cela réactualisait des angoisses que ni elle, ni moi, n’avions la capacité de rendre assimilables. Cela d’autant plus que sa vie familiale aurait été insupportable à tout autre, il y avait donc aussi une terrible pression externe.

Pour tenter d’aller en deçà du mur et accueillir ces pulsions destructrices et les désamorcer, il fallait y aller carrément, ne plus barguigner : il s’était effondré pendant la crise aiguë dont elle aura une amnésie complète15, évitons qu’il ne se reconstruise à l’identique. Pendant cet épisode, elle avait cessé de s’évertuer à faire la « normale » et on l’avait accueillie avec sa folie, et même on l’avait enveloppée avec soin et attention, ni pour la laver et la sécher, juste pour être avec elle.

La cure de packs a contribué au rétablissement de son narcissisme qui s’était délité lors de son premier accès psychotique16 et de l’effondrement qu’elle avait manifesté en se jetant dans l’escalier de la clinique. S’étant sentie repoussée par le psychiatre à côté duquel elle ne se sentait pas malade, mais amoureuse, elle n’avait pas cessé de tomber. Ce « laisser tomber » interprété comme tel par elle, ravivait celui de son enfance et de sa vie de bébé, (« ma mère est une serpillière et mon père un seau percé », avait-elle dessiné, puis explicité en groupe). Elle avait grand besoin d’un endroit humain, affectif, tranquille, où elle soit accueillie comme elle est, avec sa difficulté-incapacité-indignité. Accueillie, choyée. Sa personne avec son corps, humiliée habituellement par son mari, était respectée, enveloppée avec soin par des soignants estimés qui n’attendaient rien d’elle, sauf qu’ils soient là ensemble. Elle savait qu’elle n’avait pas à s’obliger à produire une plus-value. Ceci est un premier aspect de présentation de ses packs. C’est là qu’elle a commencé à entrevoir qu’elle ne méritait pas ce que son mari lui faisait vivre : elle a commencé à pouvoir le déplorer, il a fallu de nombreuses années pour avoir le droit de penser qu’elle pourrait s’éloigner, et bien après, divorcer.

Le pack lui offrait un espace de séance à la dimension de son corps, elle n’avait donc rien à maintenir éperdument, juste accepter de venir, et elle était complètement portée, entourée et touchée. Le bébé ravagé, en elle, était enfin touché avec respect et fiabilité : elle avait le temps de sentir, d’exister sans avoir rien à produire, ni à se protéger. Mes collègues du pack l’aidaient à restaurer le bébé blessé, et avec moi elle travaillait à garder la face, à pouvoir se présenter au monde. Que ce dispositif soit assuré par des soignants de l’intra-hospitalier signifiait qu’on s’occupait de la face cachée, l’intime. Comme elle se rendait à l’hôpital pour la psychothérapie de groupe et pour le packing, une articulation entre intérieur et extérieur se faisait. Mais pour commencer cette cure de packs, il avait d’abord fallu que se noue une relation transférentielle avec une Esther « sur ses deux jambes », sinon elle n’aurait pas accepté de s’abandonner ainsi. De cette cure, elle dira qu’elle regrette de ne pas y avoir pu « exploser » toute sa détresse, en garder le souvenir afin de pouvoir ensuite l’élaborer en séance. Je crois qu’elle le pourrait maintenant.

  • Mais aussi quand rien d’autre ne permet d’avoir accès à la personne, c’est notre disposition intime qui permet l’approche et non un être suprême, dieu ou médecin prescripteur.

Avec l’évocation de la psychothérapie aux visages multiples d’Esther, nous avons abordé la nécessité de l’abord corporel de la psyché pour aller là où l’esprit seul ne veut pas ou ne peut pas aller. C’est pour cela que ce n’est ni le désespoir, ni le mouillé qui doivent nous guider, mais la détermination de permettre un soin psychique quand les autres possibilités de psychothérapie ne le permettent pas ou ne suffisent pas.

Les écrits de Winnicott m’ont bien soutenue en ce sens. Il écrit dans « L’esprit et ses relations avec le psyché-soma »17 et dans « La nature humaine » : je parle de l’esprit dans la mesure où il est ce que j’ai appelé une fioriture sur la crête du psyché-soma. Le travail dans le pack prétend, en privilégiant l’approche corporelle du psychisme, s’adresser à la personne en s’adressant à son psyché-soma (son corps psyché dit Claudie Cachard). Avec Esther, j’avais commencé par apprivoiser son esprit méfiant, tout en tenant compte de son psyché-soma, elle en avait été touchée.

Comment avons-nous pu nous décider à franchir ce pas et persuader l’environnement que le packing n’est pas de la thalassothérapie et qu’il ne s’agit pas d’un soin corporel, mais bien d’une psychothérapie par approche aussi corporelle : au lieu de prendre le corps et ses expressions multiples comme des épiphénomènes, on lui laisse sa place.

Pour Germaine et Jocelyne, dont je vais parler maintenant, leur intime, barricadé derrière des symptômes très éprouvants, n’a pu être abordé que de cette manière : c’est-à-dire en s’adressant à leur moi-corporel, leur corps-psyché, en le circonscrivant par les enveloppes textiles et humaines. Nous prêtions alors attention à leur personne et non aux constructions pathologiques et douloureuses de leur pensée affolée.

  • Historique de notre engagement

C’est avec Germaine que l’aventure extraordinaire qu’est le packing a commencé. Jusque-là, dans notre organisation de soins, nous avions coutume d’être en contact avec les personnes soignées par les touchers des rituels coutumiers : danse, sport, piscine, camping, coiffure. Nous cohabitions, nous jouions ensemble, mais avec nos habits sociaux, drapeaux-emblèmes de nos positions. Evidemment, nous étions très attentifs à ce qui se passait, et pour les soignés et pour les soignants pendant ces échanges, mais cela ne concernait que ce que Marcel Sassolas appelle les stimuli psychiques externes, c’est-à-dire ceux de l’immersion dans la réalité.

Les stimuli psychiques internes étant produits par notre fonctionnement personnel de sujet, nous travaillions ceux-là dans le colloque singulier des psychothérapies individuelles et en groupe, prenant en compte les expressions langagières et plastiques. Le modèle psychanalytique, à la fois, nous permettait des audaces, mais il nous limitait. Nous travaillions les textes de Lacan et bien qu’ayant lu celle qu’il appelait la « géniale tripière », M. Klein, je n’avais pas encore lu ses élèves anglais18 et restais encore, malgré la lecture de Merleau-Ponty, imprégnée du modèle cartésien. Et pourtant la notion de psychosomatique nous était un outil familier, mais c’était cantonné dans un seul sens : on pouvait approcher le corps et ses troubles par la parole et le travail sur le refoulement, mais n’étions pas prêt à prendre le corps en compte pour en accueillir des effets psychiques. Le modèle psychanalytique m’enfermait et avec l’abandon des cures de Sakel, nous avions tourné le dos à l’approche corporelle du psychisme.

Il a fallu beaucoup de temps pour que nous nous décidions à « prendre le corps à bras le corps », malgré les sollicitations réitérées de Roger Gentis19. Maintenant que je réfléchis, pour vous dire comment je suis arrivée à cette constatation que le packing n’est pas l’extrême onction, je me confronte à cette question : qu’est-ce qui me déconcertait à tel point que j’ai longtemps différé, alors que j’étais par ailleurs prête à toute innovation, de me risquer à un packing ?. Mais ces autres innovations permettaient à mon esprit de garder la maîtrise, de ne pas engager mon psyché-soma20. Cela faisait longtemps que Roger Gentis le proposait, mais cela nous paraissait une incongruité. Aussi maintenant, il m’est facile de comprendre que le packing suscite encore beaucoup de réserves dans bien des équipes et qu’il soit coutumier, si on s’y risque, de le réserver aux situations désespérées. Quand tout s’est révélé inefficace, quelqu’un dit :« et si on essayait les packs ? ».21

Cette phrase m’évoque : « et si on l’emmenait à Lourdes », il y a à la fois un côté religieux, lié à la croyance : est-on de la religion du packing, ou l’estime-t-on comme une hérésie ou une superstition à laquelle on cèderait ( ?) dans l’urgence. On attend un miracle, alors qu’il s’agit de tendre un filet de draps-bras-présence sous celui qui n’en finit plus de tomber (d’horreur, de frayeur, de solitude, de déchirement, d’explosion…).

C’est dans la collaboration avec la maternité du secteur que ma position s’est modifiée. Très vite, j’ai été sensible à la similarité de ce qui se mobilise, (dans l’équipe comme chez les usagers) en maternité et en psychiatrie. Aux angoisses de morcellement, d’effondrement, d’impuissance où peut être confrontée une mère qui ne sait comment faire naître son enfant, et au besoin de proximité et d’enveloppe qu’elle requiert alors, aux appels des bébés qui attendaient un sein qu’on leur refuse ou refusaient un sein bien qu’il soit à proximité, on apportait des réponses d’écoute de corps.

J’ai pu apporter à l’équipe d’avantage d’écoute de mots, mais les sages-femmes m’ont apporté l’écoute de corps. Alors que dans notre présence aux angoisses du délire, de la dépression, de la chute sans fin, aux morceaux de soi perdus, du sens introuvable, de la haine, nous n’avions que des réponses d’écoutes de paroles22 , mais ces paroles n’aidaient pas, parfois elles aggravaient.

A la maternité, je rencontrais des femmes dans un moment très intense de leur vie affective et psychique, indissolublement lié à ce qui se passe dans leur corps, nous y sommes dans le somatopsychique : je découvrais que les particularités du déroulement de la naissance allait influencer les relations mère-bébé. J’ai été amenée à toucher ces mamans et ces bébés, parfois à les entourer ou les porter. D’abord, pour les aider à mettre au monde leur bébé, puis, une fois le bébé arrivé dans leurs bras, pour les aider à lui présenter le sein et à le porter et être avec lui (holding).

  • Cette première fois, c’était comme une extrême-onction

C’est à ce moment que j’ai rencontré Germaine. Très grosse dame, terrée dans son lit, elle s’en allait de plus en plus loin et se sentait disparaître : malgré son gros ventre qui faisait un ballon sous les couvertures, celui-ci n’existait plus pour elle : l’insupportable angoisse qu’apportait ce vide d’organes lui faisait souhaiter la mort. La sismothérapie semblait inévitable. A la maternité, j’avais découvert la notion d’urgence vitale. Pour Germaine il y avait urgence vitale aussi, mais pour des raisons psychiques. Sans réfléchir, pour la première fois, tant j’étais saisie par sa détresse, j’ai trouvé une réponse adressée à son psyché –soma : je me suis approchée d’elle avec mes mains, puisque ce n’était pas possible avec la parole, car ses mots, son attitude nous tenaient à distance. Il était évident pour tous qu’on n’allait pas raisonner son esprit : « vous sentez bien que vous avez un ventre puisque vous mangez, vous déféquez, vous urinez » !

Se confronter à son silence terrifié était si lourd, on avait envie de fuir. Cherchant à l’approcher, à témoigner de ma présence attentionnée et aussi à réussir à rester avec elle, j’ai contacté ses pieds à travers le drap. Rien faire, qu’être là et rester en contact. Etonnement, elle se réanimait, se montrait soulagée, s’ouvrait un peu à l’instant présent, elle et moi ensemble. Une réponse psychique se faisait à mon approche (qualité de présence) qui était médiatisée par le contact de mes mains, contact de son corps par le mien.

Cette réponse s’est renouvelée le lendemain. Le jour suivant, avec une collègue infirmière nous lui faisions son premier pack (ainsi que le nôtre !). En nous brûlant les mains en préparant les draps, car nous ne pouvions nous résoudre au froid !

Cet engagement, c’était l’ultime démarche : démarche d’extrême-onction, sacrement des mourants ou des sacrements malades. Il a fallu beaucoup d’années de travail en psychiatrie avec des cures de packs, le vécu du contact dans ma propre analyse, la découverte personnelle et professionnelle de ce qui apparaît quand la cuirasse musculaire ne tient plus lieu de mantèlement, les échanges avec des soignants qui vivaient pour eux le pack en stage de formation, pour m’apercevoir que j’étais restée un certain temps avec un modèle d’extrême –onction, comme pour cette dame.

Pour Germaine, c’était même Lourdes, nous l’avions guéri d’un cancer… imaginaire ! Car elle avait retrouvé avec plaisir son gros ventre. Comment en était-elle arrivée là ? Pour fuir l’angoisse de la certitude du cancer, elle avait dû nier l’existence de ce ventre qui la mettait en danger : dans les packs, elle a d’abord retrouvé son ventre, mais restait la certitude du cancer, puis le cancer même a été oublié.

  • « L’intégration est étroitement liée à la fonction de la tenue (holding) de l’environnement » écrit Winnicott

On peut penser que la fragilité de Germaine remontait à l’époque de sa vie de bébé où elle venait juste de réussir son intégration,23 ce qui est une période très fragile pour affronter seule, sans la protection de la maman, les persécuteurs du monde extérieur. Ceux-ci se présentaient pour Germaine sous forme de la bête dévorante-cancer. Pour échapper à ceux-ci et éviter la désintégration, il ne lui restait que le recours d’un clivage extrême : se séparer de la partie attaquée, les persécuteurs ayant été introjectés alors qu’ils auraient pu être expulsés à l’extérieur sous forme de vécu de persécution. Quand Germaine eut été suffisamment « portée avec dévotion » par les thérapeutes du pack (Anne-Marie infirmière et moi), elle pouvait de nouveau affronter les persécuteurs –le cancer- sans menace de désintégration. Puis elle n’a plus senti la menace. Elle est sortie rapidement de l’hôpital et a continué les packs en revenant en Hôpital de jour.

Cette position d’extrême-onction établissait notre limite à cette époque de nos débuts. Nous ne savions comment aller au-delà de l’onction salvatrice : après nous être situées en clergé dans la religion du défi à la mort, nous ne savions comment nous retrouver soignantes psychothérapeutes comme nous l’étions quotidiennement. C’est pourquoi, nous l’avons trouvée trop familière quand Germaine nous a demandé, à la fin d’une séance, pendant son temps de retrouvailles du monde extérieur, de lui couper les ongles des orteils, sa corpulence la gênant pour atteindre ses pieds. Nous avons alors estimé que ce n’était plus dans notre projet et avons mis fin à la cure.

Voici encore des restes de la culture analytique formelle !  La position d’extrême-onction  nous enfermait. Puisque Germaine semblait tirée d’affaire, elle pouvait aller vivre sa vie et se faire soigner les pieds par un pédicure. On dit bien de quelqu’un, dont les troubles psy sont évidents, qu’il n’est pas là pour les cors aux pieds ! Nous n’avions pas encore intégré qu’il s’agissait d’une psychothérapie. La psychothérapie psychanalytique n’est pas n’est pas un rituel religieux24, mais nous nous étions retrouvées à provoquer un évènement miraculeux. Or sans le concevoir consciemment, nous avions établi une relation suscitant un attachement transférentiel de sa part et sans travailler notre contre-transfert. Alors nous lui avons tourné le dos, puisqu’elle ne paraissait plus ni mourante, ni malade.

Or, sans le savoir encore, nous nous étions mises en situation de réparer le bébé morcelé mais paradoxalement nous la voulions tout de suite grande, cela à cause de notre modèle d’onction salvatrice. Rétrospectivement, la façon dont nous avons cessé les packs porte une ombre sur cette extraordinaire aventure.

  • Packing et institution

Si j’ai préféré, en titre, la comparaison avec l’extrême-onction à celui du pèlerinage à Lourdes, c’est qu’il comporte à la fois les acceptions de dernier recours et celle de liquide sacré : le packing comme rite sacré, avec les packants comme officiants de la cérémonie. Ce qui amène une grande diversité de malentendus et de conflits. Dans beaucoup d’équipes, cela est accentué par le fait que si l’équipe de packing est pluridisciplinaire, elle comporte rarement des médecins. Les médecins se trouvant en place de prescrire ou d’autoriser quelque chose qui leur échappe ou qu’ils connaissent peu, sont tentés par des interventions-passage-à-l’acte sur le déroulement de la cure. Le travail de supervision, de préférence avec une personne extérieure, s’avère important pour réfléchir en commun à propos des transferts multiples sur chaque soignant se trouvant en places et lieux différents. Mais ce travail nécessite en surplus des rencontres avec les médecins, le reste de l’équipe afin que les questions soulevées soient abordées ouvertement.

Les personnes de l’institution qui n’ont pas choisi de faire partie de l’équipe du packing développent, consciemment ou non, des sentiments d’envie pour cet enthousiasme qui anime leur collègues. Ils pressentent qu’il se passe pour « packés » et « packants », des vécus inconnus, passionnants et non dénués d’effets soignants. Ce doit être bien intéressant pour y venir sur son jour de repos, changer d’équipe et de toute façon en sortir « à tordre », (au sens propre comme au figuré). Mais cela requiert un tel investissement… mais de cela même on peut se sentir jaloux.

Mais on peut quand même y participer, sentant que ce n’est pas un travail dans lequel on peut s’engager, rendant service en aménageant la facilitation du déroulement de la cure : ne serait-ce qu’en veillant à ce que la personne ne soit pas endormie à l’heure de la séance.25 Mais ce n’est pas si simple, ce soin holistique et profond développe en nous du passionnel, et pour ceux qui s’y mouillent et pour ceux qui travaillent autrement

Si je précise que ce n’est surtout pas religieux, c’est pour souligner et se défier de la notion de rite. Chaque équipe a ses usages, attention de n’en pas faire un rituel obligé. L’équipe d’Angers utilise des serviettes, nous des draps. Ils n’enveloppent pas la tête et le cou, nous le faisons et bien souvent nous couvrons les yeux. Aux enfants nous ne couvrons pas les yeux. Particulièrement à ceux qui, en dehors des découvertes extraordinaires d’expressions de lèvres, de bouche, de joues produisant des sons inconnus très variés et expressifs et des bulles…expriment beaucoup avec leur regard : sa direction, son intensité, sa coloration, ou la décision de fermer les yeux.

  • Le sujet transitionnel :

Pour résoudre la question de la pénurie de locaux, la maternité nous a proposé d’utiliser pour les packs le grand divan d’une salle d’accouchement chaleureuse et bien chauffée. Cet environnement particulier nous soutenait dans notre présence aux personnes que nous enveloppions pour des cures de packing ambulatoire : c’est ainsi qu’avec Evelyne, une collègue infirmière, nous sommes devenues réellement co-psychothérapeutes d’une jeune femme qui souffrait beaucoup, tout en remplissant, elle aussi comme Esther, ses tâches quotidiennes et professionnelles.

L’indication avait été posée par la psychiatre de l’équipe qui l’avait reçue en consultation, car au-delà de l’énoncé de son doute identitaire, – «  suis-je une femme ou un chien » ? -, elle ne pouvait parler d’avantage, et restait pétrifiée d’angoisse. Ce doute se réactivait quand son mari l’approchait sexuellement depuis qu’elle avait trouvé, dans les affaires de celui-ci, une revue pornographique. Ses enveloppes psychiques étaient très minces, et cette découverte avait fait effraction dans la barrière qui, jusque-là, la clivait de son monde interne inquiétant. Le seul élément qu’elle avait laissé échapper, c’est un doute très archaïque sur son existence d’humain–fille. Le reste était pétrifié.

Nous n’avons jamais pu en parler, c’était irreprésentable. Mais le packing lui a permis de reprendre sa vie, débarrassée de sa question terrible. Dans cette pièce concernant les femmes, il lui a été facile de se confier à nos bras-draps qui enveloppent. Elle était de ces personnes qui n’ont pas de choc au froid, pendant les premières séances, isolée par sa carapace. Il lui a fallu pour cela le temps de plusieurs séances où nous prenions soin d’elle. Elle venait au rendez-vous pour être protégée par les deux enveloppes humaines-affectives et textiles, délimitant exactement la forme et le volume de son corps-psyché. Elle a pu alors se retisser des enveloppes psychiques à la fois plus solides et plus souples. Elle a découvert le bon d’être en contact tactile avec un autre qui nous révèle alors le bon qu’on représente. Re-narcissisée : elle a pu se resituer par rapport à son mari. Nous nous sommes quittées sans en savoir davantage, sinon que son existence s’était pacifiée. Elle n’attendait rien d’autre de nous que cet accueil où nous enveloppions la femme avec disponibilité et respect. Nous n’attendions rien d’elle : nous étions dans la position de rêverie maternelle, dont parle W. Bion, qui permet l’établissement de la fonction alpha.

Ceci demandait de nous engager l’une et l’autre très intensément et profondément. Or Evelyne venait d’arriver dans l’équipe, nous n’avions jamais travaillé ensemble mais nous étions les seules disponibles. Comment sommes-nous devenues co-thérapeutes ? C’était quitte ou double, nous avons doublé ! Mais pour rester dans la qualité de présence requise pour rester vraiment là dans une situation très difficile, nous nous sommes trouvées, l’une et l’autre dans une identification partielle avec Joceline. Je cite à nouveau Benedetti :

 « L’identification partielle du thérapeute avec le patient est perçue immédiatement, tant par le second que par le premier. Elle conduit à une identification symétrique du patient avec l’image que le thérapeute, en s’identifiant, dessine de lui. Manifestement, de tels phénomènes surviennent dans un espace qui n’appartient ni complètement à l’un, ni complètement à l’autre, un espace qu’on pourrait appeler l’inconscient thérapeutique commun et que seule l’intuition du thérapeute peut entrouvrir. Cet inconscient thérapeutique commun est le cadre dans lequel s’esquisse ce que j’appelle le « sujet transitionnel ».26

C’est cette intuition dont nous avons pu disposer, qui nous a fait, Evelyne et moi, devenir et thérapeutes pour Joceline et co-thérapeutes entre nous, le tout étant entrelacé et se potentialisant.

Nous sommes toujours conscientes qu’elle nous a rendu un grand service : nous nous étions trouvées impliquées Evelyne et moi sans nous être choisies. Soutenues par nos pulsions soignantes, nous avons établi un tandem qui dure depuis cette année 80. C’est avec cette cure qu’a germé en nous, ce que j’ai lu cette année dans Benedetti, la notion de sujet transitionnel à plusieurs.

  • Le retour à l’état tranquille :

Mais pour Esther, Germaine et Joceline, qu’avait proposée notre installation pour que cela amène des effets si soudains et manifestes, impossibles dans un dispositif plus convenu et coutumier ? Revenons encore à Winnicott « Psychose et soins maternels »27 et à la notion fondamentale de « structure individu-environnement ». Il émet l’idée que la santé mentale s’édifie au tout début de sa vie, lorsque le bébé est exposé petit à petit à la réalité extérieure. Ce qui commence dès la vie intra-utérine bien sûr. Il précise et c’est ce qui nous réunit, que par santé mentale, il entend que la disposition aux états schizoïdes et psychotiques est des plus réduites. C’est en 1942, que dans une réunion, il a bondi en s’écriant : « un bébé çà n’existe pas », puis dans cet article de 1952 qu’il développe sa conception essentielle : à ses débuts, l ‘individu ne constitue pas l’unité. L’unité est la structure individu-environnement telle que nous la percevons de l’extérieur, -l’environnement étant la mère, indissociable de la place qu’occupe le père auprès d’eux-. Quand j’ai lu ce texte, il y a bien longtemps, j’ai tout de suite écrit « Packing » dans la marge. Si tout va pour le mieux, l’individu va pouvoir créer peu à peu un environnement personnel et passer de l’état de dépendance à celui d’indépendance. Période dont il est établi maintenant qu’elle est pleine d’embûches : quand elle est traversée pour le mieux, on peut dire que la santé psychique est assurée par rapport à la psychose. Winnicott conclut « l’étude intime d’un individu schizoïde, enfant ou adulte, se transforme en l’étude intime du tout premier développement de cet individu, du stade de la structure individu-environnent à la sortie de ce stade ».

C’est là, que pour expliquer le mécanisme du développement primitif du psyché-soma, intégrant les retards et les pathologies, il va établir ce diagramme qui illustre la façon dont l’individu est affecté par les dispositions de l’environnement et qui représente tout à fait ce qui peut se passer dans un pack :

Je cite Winnicott plutôt que de le paraphraser. « La figure 1 montre comment par une adaptation active aux besoins de l’enfant, l’environnement lui permet de vivre dans un isolement tranquille. Le nourrisson ne sait pas (à quoi est du cet isolement tranquille). Dans cet état, il fait un mouvement spontané qui permet la découverte de l’environnement sans que le sens du self soit perdu. La figure 2 illustre une adaptation défectueuse à l’enfant qui aboutit à un empiètement de la part de l’environnement, si bien que l’individu est obligé de réagir à cet envahissement. Dans cette situation, le sens du self est perdu et ne se retrouve que par un retour à l’isolement. Noter aussi, l’introduction du facteur temps qui signifie qu’un « processus » est en cours…/…L’état d’isolement devient de moins en moins pur au fur et à mesure que l’enfant s’éloigne de ses débuts ; une organisation de plus en plus défensive entre en jeu pour repousser l’envahissement de l’environnement. Devant un trouble de ce type, une adaptation active à l’enfant doit nécessairement être offerte en thérapie… »

En 1954, dans l’article « les aspects métapsychologiques et cliniques de la régression au sein de la situation analytique, il précisera concernant les personnes psychotiques, bordeline, schizophrènes, « parfois, pendant de longues périodes, le travail analytique doit être suspendu, l’aménagement (management) de l’analyse prenant toute la place.28 »

Donc pour ces trois personnes, la cure de packs permettait ce retour à l’isolement tranquille, puis la découverte de l’environnement sans ressentir d’empiètement. Winnicott décrit le retour à l’état tranquille grâce à l’attitude adaptée de la maman. Les travaux de Bion ajoutent une autre ouverture en parlant de la rêverie maternelle qui permet aux objets-bêta bizarres, persécuteurs et destructeurs d’être transformés en éléments alpha qui permettent la relation à l’environnement. De même, nous prêtons notre espace psychique à la personne enveloppée, ce qui permet aux éléments destructeurs, dissociés de se modifier filtrés par notre préconscient : c’est pour cela que nous sommes si fatigués après un pack, car pour permettre à la fonction alpha d’opérer nous ouvrons un espace psychique très intime que nous mettons à la portée de la personne enveloppée, ce qui demande une qualité de présence rare29. C’est cette présence particulière que la mère de personne psychotique pouvait difficilement proposer à son bébé : « ma mère est une serpillère » dit Esther.

  • Permettre une psychothérapie à tous : ceux à qui les autres dispositifs ne sont pas possibles ou ne suffisent pas.

C’est cette possibilité de (re)-trouver l’état tranquille, et aussi l’expérience de packs vécus par des soignants en formation, qui nous a amenés à proposer des packs –quand cela est possible- à toute personne qui bute sur de l’indépassable dans sa psychothérapie. Accéder à du non parlable car « jamais vécu ». Et si la personne enveloppée aborde des éléments très archaïques, au terme régression connoté négativement, je préfère dire qu’il s’agit de retrouver ce qui a été perdu, ou de découvrir et éprouver ce qui n’a jamais pu être30. Je cite encore Winnicott se référant au patient qui, dans le cadre classique, n’est pas encore capable de symboliser et ne peut communiquer qu’à travers une mise en acte pour rencontrer « cette chose du passé qui n’est pas encore arrivée, car le patient n’était pas là pour qu’elle arrive »31. Mais aussi accéder à du non-parlable car non représentable, car trop insupportable, donc évacué.

C’est ce qui s’est travaillé pour Albertine, réveillée chaque nuit par son bébé qui ne pouvait dormir, elle n’arrivait plus à travailler dans son espace analytique. Elle avait passé trois mois en couveuse à sa naissance et ce temps était comme un grand blanc irreprésentable : il fallait lui donner la possibilité de s’approprier ces mois sans fin, et les dépasser. Ce qu’elle a pu réaliser au cours de huit séances de packing. Ces séances étaient éprouvantes, il lui fallait oser affronter quelque chose de très angoissant et ainsi: elle restait au bord dans le froid. C’est à la sixième séance, au cours de laquelle il lui a fallu pousser très fort, et dont elle écrira rentrée chez elle qu’elle s’était enfin mise au monde elle-même, qu’elle a pu se réchauffer. Ensuite, elle a pu commencer un travail avec son enfant et s’installer autrement dans son analyse. Pour Eliane, c’est dans mon cabinet, avec la participation d’une camarade de son groupe de thérapie, qui en avait eu l’idée (car elle l’avait pratiqué dans son travail d’AMP), nous avons fait trois packs, avec l’assentiment de son psychiatre de la clinique de La Borde, à cette femme sympathique et bien intégrée socialement, qui ne pouvait vivre, engluée dans la mort de sa maman qu’elle avait soignée activement alors qu’elle était encore enfant. Ces trois séances ont permis la continuation du travail psychothérapique qui était bloqué, par la sidération du deuil non-fait : elle a pu, au cours de ces séances, rendre visite à sa mère pour lui dire au revoir, et accepter qu’il y avait du vécu antérieur à travailler.

Je pourrai résumer ainsi : le packing peut se proposer quand le chemin du travail analytique classique n’est pas possible. Aux enfants et adultes psychotiques, autistes, polyhandicapés mais aussi chaque fois qu’une situation dramatique est inélaborable : W de deuil, rupture affective, abandon, traumatisme. Ceci avant ou au cours d’une psychothérapie. Passé le seuil critique, le travail psychanalytique peut s’instaurer ou reprendre, parfois il s’est continué simultanément. On demande souvent : quelles sont les indications ? Avec les exemples que j’ai donné, on remarque que ce n’est pas étayés sur des critères diagnostiques, mais relationnels et sémiotiques. J’ajouterai qu’on peut l’envisager quand l’Oedipe n’a pas même pu être posé et cela est si fréquent !

  • Particularité du travail avec les enfants

Le packing permet de découvrir un être-là insoupçonnable, une présence inconnue, en dehors de la séance.

Mon expérience concerne des enfants souffrant de grandes angoisses, liés aux graves troubles qui gênent, pour des causes diverses, leur relation aux autres : traumatismes obstétricaux, accident cérébraux, affections congénitales, autisme primaire, séquelles d’anoxie par noyade. Ces enfants sont tous atteints dans leur corps : dans la nomenclature, ils sont dénommés polyhandicapés. Pour ces enfants qui n’ont pas, ou qui ont perdu l’usage de la parole, le packing a permis d’établir la notion de soin psychique dans une institution où on utilisait un clavier pour « faciliter la communication ». C’est la détermination de la psychologue qui a permis à l’équipe de proposer un dispositif de psychothérapie qui permette d’aller à la rencontre de l’enfant. Pour cela, il fallait l’engagement de celles qui se sentaient en mesure de se mobiliser intérieurement pour se permettre de quitter les rivages habituels et rejoindre l’enfant, aussi loin qu’il se situe.

C’est grâce et avec cette équipe qu’est venue la dénomination « oser s’approcher » pour exprimer ce qui est en jeu dans tout packing. S’approcher, et même aller chercher l’enfant dans ses profondeurs : qu’il se soit enfermé dans une bulle de salivation, qu’il se réfugie dans le sommeil, qu’il hurle sa souffrance en battant des bras, qu’il se pétrifie face à un processus létal, qu’il s’absente dans un joli sourire de poupée…

Ces enfants qui ont commencé douloureusement leur vie ou qui ont été privés des moyens usuels de communication (moteurs et verbaux) après un grave accident, ont une maman désolée, déprimée, détruite parfois. L’enfant a besoin d’être soutenu par elle (holding), comme tout enfant le nécessite, mais elle a besoin aussi de ce soutien. Il va donc tenter de la consoler. S’il ne le peut pas, ils restent désolés l’un près de l’autre, et l’enfant va, pour « ne pas cesser de tomber », soit se construire une seconde peau musculaire hypertonique comme Edgard, soit « s’absenter » comme la petite Emma, pour laquelle le packing a été mis en place dans l’institution.

Le packing, permettant à l’enfant de se sentir porté, va nous permettre une rencontre inconnue jusque là : l’enfant va nous émerveiller en découvrant et nous faisant découvrir des possibilités insoupçonnées de vie. Comment cela se réalise-t-il ? Dans la proximité-partage établie par cet espace de séance, à la dimension du corps de l’enfant, ce contenant psychique, physique et affectif se construit séance après séance. Il va permettre à l’enfant, comme à l’adulte, de (re)trouver la continuité d’exister et de constituer une temporalité, et ainsi de pouvoir être au monde.

Parlons d’Emma grâce à qui les packs ont commencé. L’équipe la sentait s’enfoncer dans une inexistence : elle ne pouvait que se couvrir de bave. Dès le premier enveloppement, un sourire radieux s’est adressé à nous, puis, au fil des séances, elle a expérimenté graduellement des sons très différents, en relation avec les parties de sa bouche, de sa langue, de son pharynx qu’elle découvrait. Après quelques mois, surprise ! Au lieu de se laisser remplir de nourriture comme un tuyau : elle a commencé à déglutir et peut maintenant manger une nourriture avec des morceaux. L’équipe est aussi très sensible au fait qu’elle a commencé à faire pipi dans le pack : on peut dire qu’elle s’est sphinctérisée. La mobilité de chacun est restreinte pendant la séance et pourtant les échanges entre Emma et les soignants ressemblent à une danse.

D’avoir osé nous approcher ainsi, nous avons été sollicitées de façon inattendue et surprenante et avons accepté, d’échanger avec nos zones archaïques inconnues. Sans le verbaliser : juste se le permettre. On retrouve une autre manifestation de la notion de sujet transitionnel. Sorties émues de ces rencontres imprévisibles avec une autre Emma, la proposition de packing s’est élargie à 6 enfants en 4 ans, ce qui nécessite une organisation très serrée ! Des packs d’Emma, il est dit : cela continue à la réanimer. Elle est toujours bien là avec ses soignantes, au point qu’à une séance où Christine n’était pas là, elle ne s’est jamais réchauffée !

Des parents ont refusé la proposition : il semble qu’ils pressentaient cette ouverture, qui se serait établie en dehors d’eux.

Par contre la maman d’Edgard, qui siège au conseil d’administration de l’association, s’est assurée que la nouvelle psychologue, remplaçant celle qui a introduit les packs, s’engage dans cette voie. Le packing de celui-ci avait commencé depuis près d’un an, quand, peu avant une de ses hospitalisations très éprouvantes, il se montrait très angoissé. « On ne pouvait pas le tenir » dit Annie, la chef de service qui ne faisait pas partie de son équipe de packs. « On lui a dit, on va te faire un pack, et il s’est endormi, quand on est venu le chercher, on va te faire le pack, il a ouvert les yeux. On a tout lâché pour le lui faire ». Il a donc eu un pack supplémentaire. On découvre que, l’idée qu’il allait vivre ce pack avait commencé à le calmer,  il a ouvert les yeux. « Il le voulait. On sentait que c’était un besoin d’être rassuré.». C’était la première fois que j’entendais l’équipe de pack affirmer qu’Edgard manifeste qu’il comprend ce qu’on lui dit, (mais ce que sa maman a toujours senti). « Pendant ce pack, il était vraiment à plat dos, et non seulement une colonne vertébrale comme d’habitude.  On s’est regardées les unes les autres, de voir çà, d’avoir vécu çà avec lui, sur le moment il n’y avait pas de mots, c’est seulement ici32 qu’ils viennent ».

Depuis, il a fait des bruits qu’on n’avait jamais entendus : une sorte de râle plus doux et plus profond, utilisant la gorge. Comme Emma, Edgard a la possibilité, dans cet accompagnement intime, porteur où l’équipe n’attend rien que sa présence, d’investiguer et découvrir des possibilités inconnues. Annie cherche à reproduire ce son nouveau et doux : « çà vient du ventre et çà fait vivant, car ça fait vraiment vibrer le ventre. Ce son fait sentir du vivant en lui. Il sent son volume, il se gonfle » … Il s’installe aussi sur le côté, en position fœtale, son dos soutenu par la jambe d’une des approchantes, elles ont une sensation de plein, de plénitude. Il se recrée un vécu du contact du dos contre la paroi utérine et la main de la maman ou du papa pendant les premiers mois de sa vie, avant la catastrophe de sa naissance. De la paix est arrivée pour Edgard et ses parents se sentent beaucoup mieux aidés et compris.

Pour ces enfants qui vivent allongés, comme « aplatis », (la plupart ne tiennent pas assis seuls), ils peuvent enfin ressentir leur volume, qu’ils sont en trois dimensions. La personne qui me paraît le plus sensible à Paul-Arthur dira : « de sentir sa globalité, il peut nous confier ses selles », après avoir constaté quelques mois avant : « maintenant il a des fesses, avant il était comme une planche, je sens ses fesses quand j’ai la main sous sa base ». L’équipe est rassurée que Paul-Arthur défèque à chaque séance, d’autant que certains souhaitaient des interventions manuelles !

Comment se déroule la séance avec ces enfants ? La disposition est différente pour chacun, en fonction de ce qui se passe. Maintenant Emma est assise adossée contre quelqu’un qui, bien sûr, sera mouillée ! Ses pieds sont appuyés sur une autre qui pose une main sous sa base. Ainsi ce toucher, aidant à la proprioception du bas du dos et des fesses, va aider à l’éprouvé tridimensionnel. La première défécation spontanée de Paul-Arthur a eu lieu, dans une main avec la séparation du drap, alors que depuis plusieurs mois, on n’avait pu éviter ces interventions extérieures.

Comme avec les adultes, cette approche est affaire d’intuition, et c’est du fait de cette intuition, qu’il est indispensable d’en référer à un tiers pour ne pas se laisser emporter trop. Dans ce travail d’échanges, on arrive à cette découverte : personne ne réfléchit son corps comme on le sent dans le pack car ce n’est pas que des mains, c’est nous entier, c’est notre histoire en trois dimensions. Il s’agit bien d’une aventure commune. Ce « personne ne réfléchit son corps » nous ramène encore à W. Bion et son appareil à penser les pensées33. Dans ce qu’exprime l’équipe, on sent les conceptions (qui sont des protopensées) qui se font jour et la pensée qui se manifeste : Edgard peut être rassuré et apaisé par l’annonce d’un pack, dont il comprend bien que si on le lui annonce, celui-ci aura bien lieu, il peut l’attendre paisiblement. Ainsi en ce cas, le pack vient soutenir et renforcer la position maternelle qui permet à Edgard de construire son appareil à penser les pensées ; en lui donnant un écho, dans son lieu d’accueil, le packing donne à cet enfant la possibilité d’être un enfant et d’y montrer ses acquisitions dont faisait état ses parents et qui jusqu’aux packs ne se montraient pas dans l’institution.

  • L’enveloppement, les enveloppes sonores, le silence, les enveloppes psychiques,

Avec Emma nous avons évoqué les échanges et trouvailles sonores modulées et rythmées que permettent les séances de packs, en ce cas l’enveloppe sonore se crée, souvent joyeusement, entre tous : l’équipe est dans la découverte. Mais pour Linda, il s’agissait de l’accompagner dans le processus irréversible d’une maladie dégénérative : c’est pour elle qu’ont commencé les premiers « packs chauds ». Il était nécessaire de permettre à cette petite fille qui avait su rire, marcher, parler et lire qu’elle était toujours en vie, et le bon de sentir la vie, entourée par autrui. L’équipe souhaitait témoigner de sa présence chaleureuse, aussi il fallait « du chaud » pour éloigner le froid de la mort. Mais avec l’importance de ce qui se montrait dans cette enveloppe, il est apparu à l’évidence aux trois accompagnantes (une auxiliaire de puériculture, une psychomotricienne et une psychologue) que ce qu’on promettait à Linda, c’est-à-dire de lui proposer d’être bien vivante jusqu’à la fin de sa vie, nécessitait des packs mouillés froids. Car ce que suscite le choc au froid suivi du réchauffement rapide met en route des phénomènes neurovégétatifs, ainsi que des stimulations centrales permettant d’accéder à des vécus plus intenses.

Pour les personnes adultes, l’accent porté sur l’enveloppement, sans le choc au mouillé froid, a été décidé d’abord pour des fins de cure : modifier le cadre, pour se préparer à une autre psychothérapie. A Bretonneau en Touraine, un travail remarquable a été possible grâce à la détermination de l’équipe infirmière, soutenue par le psychiatre qui a coordonné des aides différentes et un travail familial, ce qui a permis à Anna d’émerger d’une vie complètement déstructurée où elle se mettait en péril jusque dans l’institution. Quatre vingt packs ont été réalisé, un chaque semaine y compris pendant les congés. C’est alors qu’il a paru préférable de passer un cap vers un travail moins tourné vers l’intime, et c’est là que l’idée de ne plus mouiller les draps est venue. Ce mode se poursuit depuis trois mois, avec la proposition de dessiner à la fin de la séance : ce qui se faisait déjà avant.

Dans le secteur voisin, l’équipe n’avait jamais pratiqué les packs et avait attendu pour s’y engager que douze personnes de l’équipe participent à une formation. Après le refus d’une première « élue » de poursuivre au delà de deux séances, spontanément l’organisation s’est modifiée pour les deux cures suivantes. Pour proposer un soin psychothérapique il n’est pas toujours possible, car non cohérent dans certaines situations, de partir de l’idée d’administrer (l’extrême onction !), appliquant le schéma : on mouille, on emballe, on est attentif et attentionné. Alors l’équipe est partie de : « on crée une équipe pour envelopper Géraldine V. qui va si mal et on va s’adapter à ce qui se passera pour que ce soit travail dans l’ici et maintenant et non application d’un protocole ». Le jour convenu avec Géraldine, première approche réussie, il a été possible de l’envelopper sur son lit, habillée, dans des draps secs et de rester en contact avec elle. Maintenant, elle peut aller dans la salle de packs et les draps sont mouillés. Et surtout l’intensité émotionnelle et affective de ce qui se passe pour tous, la découverte vécue et transmise par l’équipe de l’intimité que ce qui s’installe entre les enveloppants et l’enveloppée relèvent du sujet transitionnel. L’équipe s’autorise des créations partagées et le contenu fécond et surprenant des séances la conforte dans leurs initiatives. Pendant celles-ci, Géraldine exprime des vécus de bébé en souffrance et peut enfin parler d’elle, (entre autre : de ce qu’elle s’était sentie obligée d’avorter, à l’insu de son mari, car elle ne se sentait pas capable d’être mère), au lieu de faire la folle. Bien sûr, elle le refait encore en reprenant la vie hors-enveloppe.

L’autre personne, à laquelle le packing est proposé, se promène volontiers nue dans le couloir, mais garde encore ses vêtements dans les packs secs, car, si tout est bouleversé pour ce qui concerne la pudeur, pour aller dans son intime psychique, il faut un apprivoisement. Le contenu des séances est tout aussi intense et surprenant que pour Géraldine. Pour ces deux personnes hospitalisées depuis longtemps dans un service où elles étaient réellement soignées et écoutées, il fallait un contenant leur permettant d’être assurée que ce qui advient dans la séance ne va pas s’envoler. Sami-Ali utilise l’expression : l’espace est une réalité imaginaire et D. Anzieu continue cette idée, en reprenant avec P. Aulagnier que le topique est « originaire », que l’espace a des propriétés psychiques : voilà un des intérêts du packing, il propose un espace de séance à la dimension exacte de la personne. L’ici-et-maintenant est inévitable sans effort : quel repos pour la personne enveloppée.

J’ai évoqué combien la façon dont est porté l’enfant est importante pour la sécurité du bébé, ceci permet l’ébauche d’une fonction contenante structurée comme une enveloppe, qui permettra l’établissement d’enveloppe psychique : on comprend alors combien le packing est un bon portage. Outre l’enveloppe des draps-bras, il y a l’enveloppe sonore. La mélodie de la voix de la mère mais aussi celle des échanges vocaux des parents sont précieux pour la constitution d’une sécurité psychoaffective. J’ai souvent constaté comment un bébé en pleurs semble se démanteler34 malgré la dévotion consolante de sa maman impuissante (qui consulte pour les pleurs sans fin de son bébé) : ni les gestes de celle-ci (bercement, portage, changements de position), ni sa voix alarmée ne le calment. Ce qui va le rassurer, et permettre que se reconstitue le mantèlement, sera d’entendre ses parents échanger verbalement devant lui, avec leur voix coutumière35, celle qu’il entend depuis sa vie intra-utérine et qui signifie : mes parents sont ensemble pour m’entourer. La première fois, j’étais sidérée, maintenant je peux créer la situation36. Voilà pourquoi pour certaines personnes, en particulier les enfants, qui ne peuvent parler pendant le pack pour diverses raisons, il sera indispensable d’adjoindre une enveloppe sonore à la double enveloppe des draps et des soignants. Mais c’est une tâche délicate : comment trouver ce que nous pourrons échanger pour que ce ne soit pas invasif ? Il nous arrive de chanter.

On constate ici encore à quel point la complicité des membres de l’équipe est indispensable. Car c’est autour de cette angoisse de ne pas dire, trop dire, rien faire, trop faire que surgissent des passages à l’acte qui désorganisent l’équipe si celle-ci n’est pas entourée à son tour.

Pour d’autres « packés », le silence37 établi est précieux : ils peuvent enfin savourer leur existence, celle-ci étant soutenue par cet environnement humain rare et enfin cesser leurs ruminations obsédantes ou délirantes. Ils flottent paisiblement. Nous qui l’avons favorisé, veillons tranquillement sur ce voyage calme. Attention de ne pas en mettre trop dans les oreilles, trop de flux est déjà en circulation, n’en rajoutons pas38 et laissons profiter du répit. Nous avons précédemment évoqué comment le bébé ne peut tout intégrer dans son appareil psychique, quand il y trop de « stimulations »39, ceci est à rapprocher de ce qui se passe dans le packing où tant de sensations, d’affects, de vécus, de pensées surgissent qu’il suffit de se faire grand contenant rêveur. Et s’il y a eu de très longs temps de silence ou que la personne enveloppée n’a dit que « çà ne me fait ni froid, ni chaud »… sortie des draps mouillés, (avec ce merveilleux visage lavé que présente très souvent celui qui sort d’un pack), elle pourra dessiner ou modeler. Si elle ne peut s’y décider seule, nous ferons ensemble un squiggle40. D’autres, au contraire vont enfin savourer, en silence, des moments de paix : « Je me sens comme du lait dans un bol blanc, ici à l’intérieur, avec votre présence, j’ai accès à mon intime, ici l’extérieur ce sont les draps et vous, habituellement l’extérieur ce sont mes idées torturantes » dira Léonard qui a traversé tant d’épisodes mélancoliques.

Le packing est un répit fructueux proposé par une équipe convaincue. Convaincue de quoi ? Qu’il est possible d’aider à accéder à un travail psychique, à cesser de se détruire, à moins souffrir ou à s’éveiller, les personnes qu’on ne sait comment aborder, mais pour cela il faut se risquer à aller les rencontrer dans leurs profondeurs. Arrivé dans ces profondeurs, on s’y occupe ensemble à faire provision et transformation de ce qui se rencontre pendant ce périple. Puis c’est la remontée avec la sortie des draps mouillés, et là il faut prendre son temps dans le drap et les frictions qui réchauffent pour retrouver les relations plus convenues. C’est le moment de représenter par un dessin ce qui a été vécu et éprouvé, de le parler ou …

Car si le packing n’est pas l’extrême-onction, il est une plongée qui peut être le dernier recours empêchant de glisser dans l’irréversible.

Juliette Planckaert

Eté automne 2005 –  Pour le colloque organisé par l’association culturelle de pédo-psychiatrie de Lille. Pierre Delion, chef de service.

1Dans nos groupes de réflexion, nous sommes arrivés à cette constatation : « Le packing est une fiabilité partagée »

2 En ce qui concerne les soins psychiques, se dénommer « soignant » suppose d’accepter, que simultanément nous sommes soignés par la personne soignée, dit J. Oury

3 C’est-à-dire à ce qui se passe en soi à l’égard de la personne soignée.

Ces séances de travail permettant aux soignants de perlaborer ce qu’ils ont vécu, ceux-ci peuvent se permettre d’être ouvert à leur intuition pendant la séance, et d’ouvrir leur possibilité d’accueil au lieu de sortir leurs piquants

4 . « La peau est le premier né de nos organes des sens et aussi le plus vaste de nos moyens de communication avec l’extérieur, puisque représentant une surface d’échange de près de 2m2² chez l’adulte ». (Les récepteurs cutanés sont présents dès la 7ème semaine autour de la bouche, à 11 semaines sur l’ensemble du visage, de la paume des mains et de la plante des pieds, à 20 semaines, sur tout le corps et les muqueuses.)

5 La psychothérapie de psychoses comme défi existentiel, éd. Erès.

6 J’ai respecté la ponctuation

7 J’emploie ici à dessein cette expression qui situe la personne soignée comme non actrice de ses soins, sous un regard qui surveille…

8 Notion formulée et développée par D. Meltzer

9 Ce sont ces difficultés dans l’établissement de sa propre peau psychique qui suscitent, quand la maman n’est pas en mesure de laisser son enfant se détacher, des manifestations cutanées comme l’eczéma.

10 Elle était arrivée à l’hôpital, les mains attachées, elle ne peut oublier ce moment humiliant.

11 Françoise Dolto nous disait : « je me mets dans mon plexus solaire » et pour l’haptonomie, cette qualité de présence est en relation avec le thymos, siège du sentiment et de l’affectif, in haptonomie amour et raison, Fr. Veldman, PUF

12 Elle sentait bien qu’il ne s’agissait pas seulement d’un phénomène digestif

13 Dans le packing, on enveloppe le bébé dans la personne, quelle que soit son âge. Je préfère cette précision et ne pas utiliser le terme « régression » qui est souvent impropre, en particulier en ce qui concerne les enfants.

14 Le packing chez l’enfant. Erès

15Elle garde un très bon souvenir de cette hospitalisation

16 Et de ses nombreuses bévues professionnelles liées à ses troubles de la pensée

17 De la pédiatrie à la psychanalyse, éd. Payot, 1949

La nature humaine, éd. Gallimard1990

18 D.Winnicott, W.Bion,D. Meltzer, E. Bick

19 Avec la patience et la confiance qui ont soutenu mon travail et ma pensée, il a attendu que nous soyons prêts, ce qui a permis un réel engagement de l’équipe.

20 L’esprit et ses rapports avec le psyché-soma in de la pédiatrie à la psychanalyse, D. Winnicott.

21 Dans les structures où sont accueillis des enfants, adolescents et adultes dont les troubles nécessitent des soins corporels importants (E A P, IME, MAS ) les packs sont plus facilement leur entrée, car le tabou du toucher n’existe pas du fait des soins de nursing. Le packing y sera l’occasion d’introduire la notion et la possibilité d’une approche psychique adaptée à ces situations de vie ;

22 Les cures de sakel permettaient une prise en charge très corporelle et réellement utile, mais inversement, mais il manquait un travail sur le psycho-corporel mobilisé.

23 D. Winnicott, in psychose et soins maternels. Extrait de :De la pédiatrie à la psychanalyse.

24 Ni une rééducation

25 Il arrive que l’impossibilité de se mettre à la hauteur du patient développe, chez un soignant quittant l’équipe de packs, des manœuvres perverses pour mettre en échec d’éventuelles cures.

26 G. Benedetti, la psychothérapie des psychoses comme défi existentiel p.92 éd. Erès

27 opus cité

28 Ce peut être le packing, mais aussi des collègues analystes m’adressent des analysants pour une approche haptonomique en parallèle à la cure analytique.

29 Le travail en maternité puis le packing m’ont amenée à m’intéresser à l’haptonomie qui m’a amenée à développer ma présence dans le packing.

30 Cependant Jan Abram dans « le langage de Winnicott » éd. Popesco précise : « la psychothérapie a toujours la possibilité de faciliter une régression nécessaire à la découverte du centre de gravité, dans une relation transférentielle. C’est par là qu’il faut commencer pour exister. C’est ce qu’ont permis le packing, à côté d’un travail dit-verbal, pour Dominique, cité en exergue.

31 In la crainte de l’effondrement 1960

32 Pendant la supervision

33

34 Voir plus haut le texte de P. Delion, référencé en 9

35 Et non avec leur voix altérées par l’angoisse impuissante.

36 Parfois en l’absence du papa, si une bonne relation s’est installée avec la maman, ce sont nos échanges qui le sécuriseront.

37 Lire le très bel article de Claudie Cachard : Au bénéfice du silence

38 Dr Antoine fontaine, clinique de Saumery.

39 Ce qui va troubler de plus en plus de bébés, car on prône de les « stimuler », au lieu d’aider à les rencontrer

40 Le squiggle, ainsi nommé par Winnicott est une création graphique faite en commun.

Document n° 2 – PRÉSENTATION DU PACKING Pour le CH de LAUSANNE – 2009

I DÉFINITIONS DU PACK

le pack est une fiabilité partagée

Comme la combinaison du cosmonaute, il apporte une protection et permet des voyages et des découvertes inespérés.

Un lieu pour être / Boite à l’être

Une équipe pluridisciplinaire enveloppant une personne souffrante : présence, relation, confiance, contacts, linge mouillé. On appelle ce moment précieux de rencontre avec un autre, emmuré dans cette souffrance, cet enveloppement humide : un pack

Le pack est un dispositif particulier du travail psychothérapique. Les soignants enveloppent la personne soignée dans des draps mouillés et restent en contact psychotactile. Il s’agit d’une approche respectueuse et de présence1 ».

« Le packing est un dispositif psychothérapique proposé pour permettre d’aller à la rencontre de la personne souffrante quand les autres approches psychothérapiques ne sont pas possibles ou ne suffisent pas. Il n’est pas une alternative au massage où le thérapeute apporte un toucher codifié, avec un résultat attendu d’un mieux-être. Dans le packing, nous sommes dans la position du psychanalyste. En place de supposé-savoir nous proposons un accueil sensible aux signifiants exprimés –dans l’ici et maintenant- par la personne enveloppée. . Nous ne pouvons prévoir ce qui se passera.

Pour se préparer à cette disposition d’accueil inhabituel (même chez la plupart des psychothérapeutes et analystes), la formation va privilégier de développer la qualité de notre présence-contact-accueil-écoute à toutes les expressions : souffle , mimiques,mouvements, sons.

Le packing n’est pas un soin corporel,même si tout le corps est enveloppé 2.

 Par commodité, pour cet exposé, la personne enveloppée sera nommée « le packé » et les enveloppants seront les « packants .

« Le packing permet la mise en jeu sans discours métaphoriques et/ou pseudopudiques de la problématique du corps, de son image et de sa symbolisation. A la fois le « corps porteur » et le « corps en apparition », à la fois le corps historicisé ; à la fois le corps dissocié et le corps contenu.. Dans cette rencontre particulière entre le patient et l’équipe soignante, il s’agit de (re)construire une zone érogène pour la personne (quel que soit son âge3) dans laquelle la pulsion retrouve une source, un objet et un but quand elle n’était que poussée sans liaison avec une représentation »4..

Le pack permet une prise en charge psychothérapique aux personns qui ne peuvent, seules, s’engager dans une thérapie classique, en ramassant-accueillant dans l’enveloppe des draps, de notre présence, de notre contact (comme avec une pelle et une balayette)5, tout ce qui apparait, s’expose. Et ceci, en étant très disponible, avec respect et affectivité. Ceci crée un « espace-temps » en commun.

Tout cela, pour ceux qui sont dans une identité adhésive, dans un vécu dimensionnelcomme le sont les personnes autistes, cette enveloppe humaine va permettre de découvrir leur tridimensionnalité.

II–PETIT HISTORIQUE PERSONNEL

J’ai rencontré le packing il y a 30 ans et cela été une surprise dans ma pratique en psychiatrie :je découvrais que pour une rencontre psychique, il est possible d’établir un contact avec les personnes enfermées dans leurs symptômes

en les touchant.

et en les enveloppant.

Le psychosomatique, éclairant l’origine ou la composante psychique des maladies physiques, nous était évident depuis longtemps. Mais je découvrais alors qu’on pouvait soigner le psychisme – en approchant le corps de la personne

– tout en étant très attentif aux signes manifestés.

Je savais pourtant qu’on calme un bébé en le prenant dans ses bras, porté en sécurité affective, physique et psychique. Mais il n’était pas encore de mise, dans notre milieu lacanien6! d’envisager que c’est le bébé fragile en la personne malade qu’il faut contacter et porter (ce que Winnicott dénomme handling et holding),

Déjà les nombreuses activités de la vie institutionnelle nous mettaient en proximité corporelle avec les personnes, mais nous n’étions pas suffisamment attentifs à la microséméilogie de ce que chacun manifeste dans sa corporalité, reflétant ce qui se passe dans son monde interne. C’est l’Haptonomie qui nous a permis de développer cette attention

l’arrivée du packing en France :

>Woodburry, à l’ESM13

le monde de la Psychothérapie institutionnelle : La Borde, Angers, Saumery, la Chesnaie, Landerneau,

>Ce n’est pas un soin « prescrit », mais décidé en collectif avec la prise en compte transfert contretransfert et la particularité d’un soin pluridisciplinaire que représente la psychothérapie intitutionnelle

A–INTRODUCTION :Histoire de la dame mélancolique…

  1. état dramatique,aucune évolution : sismothérapie prévue

  2. contact-présence avec les pieds,rien faire qu’être là en contact./

réponse : étonnement elle se montrait soulagée, s’ouvrait un peu à l’instant présent, elle et moi ensemble

  1. pack envisagé avec l’ infirmière qui m’avait accompagnée dès le lendemain. Car nous avions découvert avec surprise qu’une réponse psychique se faisait à mon approche (qualité de présence) qui était médiatisée par le contact de mes mains, contact de son corps par le mien.

  2. 1er pack à l’eau chaude…deux à trois par semaine

  3. évolution positive rapide

  4. Poursuite en ambulatoire

  5. Arrêt brutal : ce fut un « laisser tomber ». Arrêt brusque du lholding, car surprises par une demande de pédicure

notre esprit de professionnel a pris le dessus, au lieu de rester dans la relation émotionnelle7 , dans l’ouverture affective nous étions coincées dans le penser: il y confusion des genres, l’esthétique n’est pas ds le soin, donc on arrête.

Et surtout, nous n’avions pas de réunions de reprise (supervision).

Esai d’explication :p10

.

B— :Quels enseignements nous en avons alors retiré :

1-contact des pieds  haptonomie

importance du contact soutien aux pieds

2-enveloppement mouillé : être au + près

3-découverte d’un ici et maintenant, vécu ensemble : sgnt-sgné

4- l’évidence enracinée de pouvoir faire bénéficier d’autres malades8 de cette approche qui avait permis d’être-avec celle/celui qu’on ne pouvait approcher en l’écoutant.

5- et pour ce qui est des indications de ce soin, cette découverte : si on peut aller derrière la conviction délirante au décours de ces séances où on s’approche « au plus près » , alors il doit être possible de le proposer pour rencontrer derrière les autres barrières de protection :

-ruminations obsédantes,

-troubles dissociatifs

-blocage traumatique (deuils),

-appels psychotiques désordonnés, (le pack, comme un arrêt sur image sera un temps rare d’échanges possibles)

-psychisme gelé (Bion parle des affects gelés).

-anéantissement du narcissisme

-Puis au fil des années, dès qu’il s’agit d’une personne avec un faux-self

C— :Ce que nous n’avions pas compris :

1-C’est un soin psychothérapique psychanalytique d’où l’importance du transfert-contretransfert.

Si la dynamique contre transférentielle n’est pas prise en compte, ce dispositif qu’est le packing ne sera qu’un artifice qui renforcerait le faux-self de la personne enveloppée,

Alors ce soin est installé à sa place , c’est-à-dire dans la stratégie plus large de la psychothérapie des états psychiques où la psychothérapie verbale n’est pas opérante ou ne suffit pas.

Il va être possible de remonter au point d’origine du « faux self »9 , le faux self qui est une défense contre ce qui est impensable.

Nous découvrons que le packing est un pansement qui permet de penser.

Les packants sont dans une disposition « de rêverie maternelle » ce qui va mettre en jeu la fonction alpha (BION) qui transforme les objets bizarres. Il faut cette attention partuculière des packants entre eux, dans le dispositif d’enveloppe contenante pour que l’équipe supporte les objets beta et bizarres, comme s’ils étaient absorbés par l’enveloppe des bras-draps et le packé cessera de les contenir10, ils pourront se transformer.

« au début, ces draps, ça a cerné mon corps, puis au fur et à mesure que ça se réchauffait, je me diluais, d’être diluée, je sentais que tout ce qui m’entourait était au même diapason. Pas d’image, du noir, rien d’angoissant. »

C’était donc d’avant les représentations .Quand le bébé n’est que dans des sensations de bon ou pas bon.

2- l’importance du sensorium nous est apparue

-avec le contact psychotactile haptonomique

-la lecture des psychanalystes anglais,

-le travail avec les bébés

3- et ce qu’a dit OURY, « le couple packant-packé, remet en cause le couple soignant-soigné », cad les positions analystes- analysant :c’est ce que nous avons découvert en pratiquant .

Mais aussi, l’importance de la solidarité complice d’une équipe , dont les membres sont sur la même longueur d’onde.

4–Puis beaucoup plus tard : – en lisant Winnicott et en découvrant que d’autres équipes avaient cheminé dans le même sens mais en privilégiant un aspect différent (Nicole de Coulon, Pierre Delion, personnes formées à l’haptonomie, équipe de Corrèze).

D Ce que nous avons trouvé -au fur et à mesure, d’où l’Evolution du setting :

  • eau froide du robinet (pas de glaçons)
  • Tête enveloppée

  • Regard ou non suivant la pathologie

  • Ne plus bouger les mains sur lepacké pour réchauffer, mais rester en contact.

  • Ecouter les demandes d’éléments de confort. C’est là que nous avons commencé à pressentir ce qu’est la régression à la dépendance. Et comme nous ne savions le nommer, mais que nous nous adaptions empiriquement, nous n’étions pas explicites pour le transmettre aux personnes présentes avec leur esprit au premier plan Cf un psychologuejean Ch

E- Ceci amène au très important :l’implication des soignants :

Car Envelopper, entourer, mouiller, contenir,

Ce n’est pas jouer à la poupée

Jouer au bébé

Avoir le pouvoir sur le corps de l’autre et se permettre dans l’intimité du lieu des privautés ; (cf la fermière de Crottes).

D’où nécessité d’une formation

d’une supervision

-Nous ouvrons notre espace psychique, présents avec notre corps-psyché, notre affectif, et notre intuition

-et l’esprit en veilleuse juste pour ne pas se laisse embarquer.

Nous vivons un moment d’accueil-rencontre ensemble : le packé et le packant sont mouillés.

Souvent les packants en sortent « à tordre », je dis « en sortent », car ils sont dedans aussi. (cf la phrase d’Oury )

les packs secs d’Elodie p

C’est alors qu’on peut se formuler comment avec le packing, il est possible « d’être-avec » de manière à ce que du travail psychique se fasse chez ceux qui sont habituellement si difficilement approchables parce qu’ils sont dans l’absence de sentiment d’existence de soi ou enfermés dans leurs hallucinations. On découvre, on vit avec eux, qu’ils sont approchables. Mais ne pas aller trop vite.

Ainsi, un collectif institutionnel protecteur permettra d’oser s’approcher pour accueillir l’intime que la personne elle-même ne connaît pas encore. :Noé et ses collègues arrivent à la réunion, juste après un pack de Bernadette. Ils sont encouragés dans leur démarche car celle-ci découvre, s’étonne, s’émerveille qu’elle peut, enfin, se sentir vivante, (alors qu’à la piscine, où on se trempe aussi , elle ne se sent pas vivante) . Réfléchissant en quoi l’attitude de l’équipe a permis cela, Noé dira :   « seulement d’être-avec, ça suffit, c’est Bernadette qui nous a permis ça : faire la différence entre être-avec et prendre soin ». Bien sûr, on prend soin dans le pack (le care ), mais c’est indissociable d’être-avec. Noé peut se formuler qu’il ne s’agit pas d’agir, ou plutôt que l’agir d’envelopper, c’est pour aller à la rencontre et que seul il ne prendrait pas sens.

Après des années de pratique, Noé a demandé à êtrre packé (dynamique de l’équipe) et a été surpris de l’intensité du vécu de BON À ÊTRE, de la chaleur de la chaleur humaine de cette attention extraordinaire, d’une sensualité délicieuse en deçà de la génitalité., et de la réalité de cette enveloppe (qu’il ne pensait pas ressentir n’ayant pas besoin de ce pack..

E- Packing et demande :

La demande ne va pas de soi pour les populations les plus en souffrances, les plus difficiles à approcher et soigner.

Quand le bébé a acquis le pointage du doigt pour désigner ce qui attire son intérêt et un plaisir à partager avec l’autre, on appelle cela « proto-déclaratif », c’est un passage dans la communication avec autrui. Avant le bébé est dans le besoin, il exige.

Nombre de personnes psychotiques, autistes bien sûr, borderlines ou s’étant repliées sur leur monde intérieur, habitant une écorce vide, ou dans un faux-self comme certaines personnes âgées, ne peuvent demander.

Si on attend la demande de ces personnes, il ne se passe rien .(cf la position bien dommageable des services qui attendent la demande). Nous avons à nous mettre en situation que la personne puisse déposer ce qu’elle aurait à exprimer : ses signifiants, ses langages, même sans paroles. : d’où les packs.

C’est le moment d’exposer la fonction asymptotique de la demande :

Si Y est la demande

X est l’institution

Y= 1/x si Y diminue, X doit augmenter - l’infini.

Un ado ne va pas demander, mais casser des vitres, ne rien faire que fumer des joints.

Car, LE PACK VIENT DÉCLENCHER LA DEMANDE : du fait que nous autorisons « la régression à la demande » (Winnicott)

le pack est un soin que les malades réclament. Parce que ça se passe ensemble et qu’ils sont rejoints là où ils sont, (ou qu’ils ressentent qu’on tente de les y rejoindre).

Sylvie C. se trouve dans un état aigu puerpéral qu’elle a manifesté par une TS en essayant de se poignarder. Elle est en hôpital de jour, arrivant pour son 5ème pack elle formule, « on avance ensemble, à chaque séance avec vous, je découvre (au sens d’enlever le couvercle) du nouveau. Avec le dr Z, (sa psychiatre), «  elle est bien gentille et attentive, mais à la limite, c’est moi qui m’occupe d’elle en lui expliquant ce qui m’arrive ». C’est nous qui avions proposé le packing et le médecin avait accepté mais ne connaissait pas.

Inversement Isabelle fait référence à son médecin, qui lui a « prescrit » le packing et nous n’en avons jamais parlé avec ce médecin juducieux… mais elle parlait de lui et que c’était lui le prescripteur. Il faut préciser que c’était la première fois qu’elle faisait alliance thérapeutique avec un médecin.

_F Comme tous les ateliers psychothérapiques, le packing aura la triple fonction – phorique >holding

>handling cfWinnicott : d’où l’imortance du toucher-contact

— sémaphorique

— métaphorique

EX : La définition d’une infirmière à la fin d’un stage de formation

  • « Un pack, c’est envelopper avec soin et présence un malade déshabillé avec des draps mouillés froids et accueillir ce qui se passe.C’est une prise en charge psychothérapique, la FONCTION PHORIQUE :HOLDING,

  • et lui permettre d’exprimer des maux, mots,, des signes.FONCTION SEMAPHORIQUE

  • LA FONCTION METAPHORIQUE sera la réunion de réflexion, avec un psychanalyste extérieur à l’équipe.

-L’importance d’être avec le psyché soma derrrière la barrière de l’esprit(winnicott-

– ne pas être curieux

– savoir rester en silence

III « Sensations de packs »-

Enveloppe -Chaleur -présence -autour ensemble

Envelopper l’autre d’une présence ensemble : Une enveloppe

de draps

de chaleur

de mains et de mots

Enveloppement humide et chaud qui permet une rencont avec le patient

Contenir

Soutenir le dedans

Approcher

Créer, construire ensemble

a–vécu du packé

Soin qu’on partage avec l’ autre autour, être avec l’autre.

Enveloppe globalisante et sécurisante qui amène sa propre sécurité, son propose ressenti.. Et aussi, se le permettre .

Le pack, c’est du chaud , de la relation et des gens. C’est là que j’ai commencé à ma sentir exister. Dit Dominique après 100 packs

« le pack, c’est quelque chose de nu, pas seulement quelque chose de corps , il ne peut y avoir des gens autour qui soient spectateurs. Toi et Didi, c’est vous qui m’aidiez à me mettre à nu. C’était bon. Quand je disais que j’étais comme du lait dans un bol blanc, c’est quelque chose d’intime, on est intime avec soi. Une grande intimité au-delà de la parole. Une grande proximité. On peut tout sentir sans raisonner. Dans le pack, l’extérieur c’était les draps. D’habitude l’extérieur ce sont mes idées torturantes ». G nombreux épisodes de mélancolie avec idées de persécution.

Vous avez repéré que ce « c’est quelque chose de nu », est bien en deçà du déshabillé d’une personne ayant ôté ses vêtements. Pour appuyer ceci,

b–vécu de packants : certains ont bénéficié d’un pack. Pas tous.

Annie qui enveloppent des enfants polyhandicapés et autistes écrit : « enveloppe sécurisante, enveloppe qui développe intensément de sécurité ».

Toutes les personnes de l’équipe soulignent l’importance des draps mouillés.

Josiane : qui fait des packs à Patrick JH très déliranqui, elle sort de son premier pack :

« ça arrête qq chose qui gêne le patient et les autres, par exemple le délire.

Au contraire pour moi, ça a pu révéler qq chose de moi qui ne gênait personne que moi : ce masque de faire semblant, cette apparence.

Pour Patrick :s’autoriser à moins souffrir faire flotter ceux qui coulent

Pour Moi, m’autoriser à être dans ma souffrance aider à ploner ceux qui restent sur le bord

Eliane :« je ne parle pas de la technique qui s’adapte , elle est différente

en fction de la personne soignée,

mais je peux parler de ce qui se passe en moi, qd je suis en position soignante ds le pack. Avant la formation, bien que documentée, il me suffisait d’être assise à côté du patient et d’écrire ce qu’il disait ou de noter ses réactions..

Maintenant je me suis enrichie pas seulement d’un savoir théorique, mais d’une nouvelle façon d’être soignante ds le pack. J’ai appris à améliorer mon savoir faire pour affiner un savoir-être. Je tente d’être présente, d’accueillir, d’accompagner. Je suis là , avec lui, réceptive à ses réactions, par le toucher ;

Je le touche sans prendre appui

En relation contenante sans être intrusive

Je me concentre sans l’envahir

Je suis réceptive sans être en fusion

Je le réchauffe sans le brûler

Façon pour moi

– d’accueillir un être en souffrance

– là où il est

– dans son entièreté

  • – lui permettre de reconnaître qu’il existe »

Serge : » enveloppe où on peut se poser pour se retrouver soi-même : l’enveloppe et les gens tout-autour, pour repartir, découvrir autre chose… Ouvrir et faire partager : le patient pourrait faire partager qq chose qu’il ne pouvait communiquer.

Le « mauvais »  qui sort, comme Olivier qui n’a pas la parole, alors, il crache. Et là dans le pack , il ne crache plus . On accueille O. avec tout ce qu’il nous dit, on ne comprend pas tout, mais on fait avec..

Edith : Amour, Complète présence, Respect, Intime profond,

C’est un temps privilégié où chaque personne impliquée est dans une présence totale afin que la personne bénéficiant de l’enveloppement puisse entrer en contact avec son intime profond.

Quand Edith a eu son premier pack (après avoir participé comme soignante à deux longues cures) elle s’est émerveillée de l’intense attention ressentie de la part des packants. Elle n’avait jamais éprouvé cela.

Cocon sécurisant : entourage serein attentif

moment unique par la sérénité des personnes autour

tout à l’écoute de l’autre, à la fois différent et si

proche.

Moyen de rentrer en contact avec l’autre derrière ses replis pathologiques.

Sabrina, (packs , l’équipe était très inquiète, pour Emilie enfant qui était complètement « absente » au monde extérieur »j’ai été très sensible à l’appui des pieds d’Emilie, si je me retirais, elle appuyait, quand je lui ai dit que je découvrais comme elle c’et là qu’elle s’est approchée. Le lendemain, je lui ai dit bonjour autrement.

Effet des packs d’Emilie.cf psychose et corps Delon

IV du mouillé au sec

Laurence : « cet humide permet de régresser, au sens de revenir à « l’originaire » (vrai self) en nous et au « fondamental » caché derrière le fatras, et découvrir derrière notre souffrance d’adulte, cette souffrance d’enfant qui est due à des souffrances de notre développement.

- les deux cures de packing de Clarisse dans l’association « Parentèle » où avaient lieu l’accueil psy mère-enfant.

Clarisse pesait 1k6 à sa naissance et a passé, en couveuse, trois mois sans aucun contact avec sa maman qui amenait des jumelles pour la voir…

1ére série : 8, avec les deux psy qui la reçoivent dans de contextes différents . Elle ne pouvait « traverser » le froid , pdt 6 séance (je suis encore ds le froid du ventre maternel). A la 6émeséance qu’elle décide être la dernière, du fait de ce froid indépassable,des npoussée irrépressibles surgissent. Elle dira après, « enfin je me suis fait naïtre. ». Ce packing de 7 séances a permis qu’elle puisse commencer à associer , et à pouvoir aborder d’autres sujets que ses enfants.

2éme série, elle est directrice de crèche, continue à être dévorée par tous les enfants (les siens et ceux de la crèche, ses collaboratrices et son mari). Elle se met au monde, enfin non comestible pour les autres. Elle s’établit, se pose. Elle peut « prendre de l’épaisseur », aux deux sens du mot ;ses seins ont repris leur volume d’avant les enfants,

Elle continue sa psychothérapie.

Dans ces deux packings, Clarisse a pu atteindre l’intime, son intime, au lieu de tenir en étant l’objet de désir de tous.

V L’intime , c’est ce qui est contenu au plus profond de chacun. Quand ce dedans est relié à d’autres, il s’agit d’intimité entre eux. Je vais poser comme affirmation de départ que le packing conduit au plus intime et chez la personne packée et chez ceux qui enveloppent. Un intime à la fois enclos en chacun qui va se partager entre packés et packants mais aussi entre les packants qui sont interdépendants. Je reprends la phrase de J. Oury : «  le packant, packé remet en question le couple soignant, soigné, voilà pourquoi il y a tant de résistances

Ëtre en mesure de ne pas questionner, pour saisir les occasions fugitives qui permettent, au packé, non pas de raconter, mais d’exprimer ce qui advient dans « l’ici et maintenant ». Rester présent en particulier pendant le silence . Puis au sortir des draps, pour aider à reprendre pied dans le monde extérieur, encore enveloppé dans le drap sec et chaud, on propose un mode d’expression différent par une représentation de ce qui a été vécu : dessin ou un squiggle11. A ceux à qui c’est possible, bien sûr. On passe ainsi du sensoriel à la représentation.

Je précise ainsi qu’il ne s’agit pas seulement de rendre la personne accessible, derrière la barrière de contact, en changeant l’environnement et le climat par l’enveloppement et le choc au froid., car bien sûr le choc au froid suivi d’un réchauffement rapide permet de se défaire de ses protections pathologiques ou inefficaces,

il s’agit d’être avec ensemble, d’aller à la rencontre.

Alors que peut-il se passer dans ce packing ?

On découvre les uns et les autres, un intime d’une autre teneur . La plongée en soi est soutenue par la relation particulière transfert-contretransfert,.

«  A leur retour, leur enthousiasme et le changement dans leur position soignante risque de déclencher résistances et clivages : il va falloir s’ajuster les uns aux autres.

Car dans le pack, toute la personne est prise en compte simultanément : son corps, sa psyché, son affectif, son esprit. Comment y arrive-t-on? la personne va être enveloppée, de draps mouillés, ou parfois secs. Mais aussi enveloppée d’attention et avec respect. Enveloppée de bras-draps.

L’oeuvre de Winnicott est importante pour étayer ce travail.12 Il décrit avec finesse les premières relations du bébé avec son environnement. Le processus de personnalisation se réalise quand la psyché vient habiter le corps : c’est le résultat des contacts manuels (appelés handling) de la maman avec son bébé quand il a besoin d’être bien porté (holding).

C’est le temps de la dépendance absolue quand la mère (non déprimée ou non psychotique) est dans un état de préoccupation maternelle primaire. C’est cette dépendance absolue qu’on propose dans le pack, ce qui par voie de conséquence demande une fiabilité absolue de la part des psychothérapeutes-packants. Ceci permet une régression à la dépendance et ainsi de répondre aux besoins exprimés, dans le pack

L’Haptonomie a aussi considérablement ouvert notre pratique du packing en développant la capacité de présence à l’autre,13. Etre présent à l’autre dans son intégralité, des pieds à la tête, sans oublier sa tridimensionnalité permettra de contacter la personne et non d’appliquer les mains sur un corps.

Primordiale, cette qualité de présence, amène l’équipe à affiner sa sensibilité à ce qui se vit et chez la personne « packée » et chez les membres de l’équipe « packante . Un collègue, Noé, précise « seulement d’être-avec ça suffit » . Être-avec, c’est-à-dire ouvrir toutes les écoutilles. Surtout ne pas faire la conversation. D’où la remarque d’une autre collègue: « depuis qu’on est dans l’éprouvé, on ne supporte plus que ça raconte » Car on est tenté que : « ça bavarde » pour passer le temps et être assuré qu’on a fait quelque chose : il est difficile de rester à plusieurs en silence , juste attentif à rester- avec et repérer ce qu’éprouve le packé et ce qu’on éprouve soi, packant, dans toute sa personne : sa corporalité, son affectif, ses pensées. Le chemin vers l’éprouvé intime se trace dans la rencontre créative des présences, celles de l’enveloppé comme de ceux qui enveloppent.

A cet égard, la position des psychologues et des médecins est moins difficile : ils ne sont pas huit heures consécutives dans la mêlée. C’est pourquoi, ils peuvent être tentés de pousser l’engagement trop rapidement par passion clinique. Alors que l’équipe infirmière a besoin de respirer.

V_ Ce qui permet de rester dans la qualité de présence requise pour vraiment être là dans une situation très difficile : nous sommes dans une identification partielle avec la personne enveloppée.

C’est le psychiatre psychanalyste italien, Gaetano Benedetti, qui a nommé sujet transitionnel ce qui se passe alors entre le « malade » et le psy. pour qu’il soit possible de se rencontrer.Voici comme il le présente :

L’indentification partielle du thérapeute avec le patient est perçue immédiatement, tant par le second que par le premier. Elle conduit à une identification symétrique du patient avec l’image que le thérapeute, en s’identifiant, dessine de lui. Manifestement, de tels phénomènes surviennent dans un espace qu’on pourrait appeler l’inconscient thérapeutique commun et que seule l’intuition du thérapeute peut entrouvrir.

Cet inconscient thérapeutique commun est le cadre dans lequel s’esquisse ce que j’appelle le « sujet transitionnel ».

Et bien sûr,pour se permettre cela, il faut être entouré et reconnu.

  • Le retour à l’état tranquille :

Mais pour Esther, Germaine et Joceline, qu’avait proposée notre installation pour que cela amène des effets si soudains et manifestes, impossibles dans un dispositif plus convenu et coutumier ? Revenons encore à

Je cite Winnicott plutôt que de le paraphraser. « La figure 1 montre comment par une adaptation active aux besoins de l’enfant, l’environnement lui permet de vivre dans un isolement tranquille. Le nourrisson ne sait pas (à quoi est du cet isolement tranquille). Dans cet état, il fait un mouvement spontané qui permet la découverte de l’environnement sans que le sens du self soit perdu. La figure 2 illustre une adaptation défectueuse à l’enfant qui aboutit à un empiètement de la part de l’environnement, si bien que l’individu est obligé de réagir à cet envahissement. Dans cette situation, le sens du self est perdu et ne se retrouve que par un retour à l’isolement. Noter aussi, l’introduction du facteur temps qui signifie qu’un « processus » est en cours…/…L’état d’isolement devient de moins en moins pur au fur et à mesure que l’enfant s’éloigne de ses débuts ; une organisation de plus en plus défensive entre en jeu pour repousser l’envahissement de l’environnement. Devant un trouble de ce type, une adaptation active à l’enfant doit nécessairement être offerte en thérapie… »

En 1954, dans l’article « les aspects métapsychologiques et cliniques de la régression au sein de la situation analytique, il précisera concernant les personnes psychotiques, bordeline, schizophrènes, « parfois, pendant de longues périodes, le travail analytique doit être suspendu, l’aménagement (management) de l’analyse prenant toute la place.14 »

Donc pour ces trois personnes, la cure de packs permettait ce retour à l’isolement tranquille, puis la découverte de l’environnement sans ressentir d’empiètement. Winnicott décrit le retour à l’état tranquille grâce à l’attitude adaptée de la maman. Les travaux de Bion ajoutent une autre ouverture en parlant de la rêverie maternelle qui permet aux objets-bêta bizarres, persécuteurs et destructeurs d’être transformés en éléments alpha qui permettent la relation à l’environnement. De même, nous prêtons notre espace psychique à la personne enveloppée, ce qui permet aux éléments destructeurs, dissociés de se modifier filtrés par notre préconscient : c’est pour cela a demande une qualité de présence rare15. C’est cette présence particulière que la mère de personne psychotique pouvait difficilement proposer à son bébé : « ma mère est une serpillère » dit Esther.

On arrive à dire un certain nombre de mots que seul on n’oserait pas, parce que l’autre est là, on ose, je m’autorise ».

Pour trouver ces mots justes qui viennent de l’intime des uns et s’adressent.à l’intime de l’autre il faut s’être suffisamment approchés. Se constitue alors une autre enveloppe : l’enveloppe sonore qui sera faite suivant l’expressivité des personnes de sons, de mots, de chansons, de phrases.. Il ne s’agit surtout pas de presser de questions pour que nos oreilles cannibales savourent le crû de la personne enveloppée,  comme on presse goulûment un tube de lait concentré, ni de lui donner des conseils de bien penser ou bien se comporter.16

VII –l’équipe et le collectif.

le packing, psychothérapie individuelle , pratiquée par une équipe plurielle, elle-même membre d’un collectif institutionnel. ?

Aussi, je reviens là sur la nécessité de pluridisciplinarité de l’équipe : que tous ceux qui le souhaitent puissent entrer dans l’équipe de packs, du moment qu’ils participent à la supervision régulièrement. Tous ne le souhaitent pas et il y a manière d’y participer en favorisant la disponibilité des collègues du pack ou simplement en ne les empêchant pas .

Cet étagement des différentes places dans le collectif,chacune étant indispensable, peut se figurer comme une structure en pelure d’oignon, La pelure extérieure c’est la vie collective institutionnelle, avec le quotidien, le club et ses réunions., cette vie collective indispensable pour contenir tous le reste, avec tous les transferts du malade sur l’une ou l’autre structure. Puis en dessous, les petits groupes thérapeutiques avec ou sans médiation. Puis la psychothérapie individuelle, les entretiens avec le médecin. Là, on arrive à la couche : « c’est mon, ou son malade ».

Cependant, là où se trouve le germe de l’oignon, le plus intime de mon point de vue, c’est ce vers quoi le packing nous amène : nous sommes passés de la vaste institution avec les nombreux lieux d’investissement possible au packing, le plus petit espace de séance, puisqu’il est à la dimension du corps de la personne. Le cadre, c’est l’ensemble draps-bras que propose l’équipe packante.. L’intime est dans le souffle retrouvé ou coupé,, la température, les moindres mouvements des différents endroits du corps, les sons, les regards, les tremblements, les mots inattendus, et particulièrement le silence. La découverte du silence ensemble avec quelqu’un qui ne cesse de délirer, ou qui respire paisiblement nous amène loin du « il ne s’est rien passé dans le pack ». On ne s’ennuie plus.

Et le packé ne sera pas réduit à un tube saucissonné , dont le seul moyen d’expression est la sortie du tube, bouche qui nourrit avec ses mots les oreilles de ses packants ou … les laisse sur leur faim, Ce qui m’a fait entendre , trop de fois, dit d’une voix déçue : « il ne s’est rien passé dans le pack. »

Je terminerai sur cette question importante et qui donne beaucoup « de fil à retordre » dans les équipes : comment passer d’une position soignante à l’autre ?

Juliette Planckaert

Préparé pour l’équipe de Lausanne

Janvier 2009

1 Encyclopédie hachette , l’univers psycho corporel 1990. Juliette Planckaert)

2 Journée de psychothérapie institutionnelle d’Angers. 2008Juliette Planckaert)

3 c’est moi qui précise

4 Pierre Delion in le packing avec les enfants autistes et psychotiques ed Erès

5

6J’ai plusieurs témoignages d’amis analysants de lacan auxquels il prenait les mains chaleureusement

7 nous avons utilisé notre cortex orboti frontal au lieu d’être avec les tructures diu cervau que nous apprennent les neuro sciences affectives.

8 malade :dont la santé est altérée in Dictionnaire cilaturel d’Alain Rey, Le Robert

je préfère ce mot à celui de patient qu’on utilise pour nommer toute personne qui consulte un soignant.

9 au stade le plus primitif, le vrai « self » est la position théorique d’où provient le geste spontané et l’idée personnelle. Seul le vrai self peut être créateur et peut être ressenti comme réel. Al’opposé, l’existence d’un faux self engendre un sentiment d’irréalité ou u sentiment d’inanité.le vrai self provient de la vie des tissus corportels et du libre jeu des fonctions du corps, y compris celui du cœur et de la respiration/ Il est étroitement lié à l’idée- d’un processus primaire../…ne fait que rassembler dans ses détails l’expérience liée au fait d vivre

PM, p 126

10 Mais si quelqu’un de l’équipe met inconsciemment en jeu des mécanismes d’identification projective, le patient va se trouver dans un grand marasme.

11 le squiggle est un jeu d’échanges graphiques imaginé par Winnicott, pour permettre la rencontre.

12 . Quatre articles principaux : psychose et soins maternels, l’esprit et ses relations avec le psyché soma, la menace d’effondrement., les aspects métapsychologiques et cliniques de la régression dans la situation analytique.

13 La corporalité, c’est la manière personnelle dont on vit et donc présente son corps.

14 Ce peut être le packing, mais aussi des collègues analystes m’adressent des analysants pour une approche haptonomique en parallèle à la cure analytique.

15 Le travail en maternité puis le packing m’ont amenée à m’intéresser à l’haptonomie qui m’a amenée à développer ma présence dans le packing.

16 Un collègue se disant psychanalyste expliquait gravement avant le pack à un jeune homme schizophrène qu’il fallait changer de slip tous les jours !

Document n°3 –  BLOIS _ PACKING_CROIX MARINE  Une équipe pluridisciplinaire en relation d’enveloppement avec une personne souffrante. Que se passe-t-il entre eux et en eux ?

L’équipe de packs est une entité qui se constitue à partir de volontaires dans une institution.

A partir de là, je vais vous parler de ce que je découvre, souvent émerveillée, admirative, dans mon travail de réflexion, (appelé usuellement supervision)avec les 3 équipes de packs que j’écoute parler de leur engagement auprès de personnes très très malades, pour lesquelles habituellement, il n’est pas question de psychothérapie.

Qu’en sera-t-il du cheminement personnel de chacun pour

  • « pouvoir Oser s’approcher ».
  • développer sa qualité de Présence, afin d’ « Être avec « pour aborder la vie psychique en approchant le psyché-soma ou corps-psyché, cad la corporalité. »
  • « et se permettre d’éprouver avant d’y mettre des mots, de penser et d’élaborer »
  • ne pas être dans la curiosité .

Le packing est un soin psychothérapique délicat et difficile à inscrire dans l’institution.

—soit une première séance aura été décidée à l’arraché dans l’urgence par un médecin accompagné de deux personnes volontaires, à la fois enthousiastes et inquiètes

—-soit la décision aura été longtemps attendue mûrie , et des collègues envoyés en formation ou en repérage auprès d’autres équipes. L’initiative ayant été alors,du binôme infirmiers-psychologues, ou psychomot-psychologue …

—-ou alors du chef de service : ce fut le cas pour moi qui après des mois de sollicitations de la part de Roger Gentis, me suis décidée dans l’urgence d’envelopper la première fois une dame mélancolique en 1975.

Si j’enveloppe, je prend contact. Le toucher est un sens particulier qui engage simultanément chacun des protagonistes : ainsi soignés et soignants sont engagés simultanément avec leur corporalité. Ce qui nous engage beaucoup et parfois bien plus loin que nous aurions imaginé possible.

Et bien sûr,pour se permettre cela, il faut être entouré et reconnu.

Donc, dans un lieu d’accueil soignant, parfois éducatif, une équipe de personnes se déterminent pour envelopper une personne souffrante dans des draps mouillés, sur un matelas posé au sol.Et ceci dans des institutions très différentes.

Qu’est-il mobilisé en chacun, les enveloppés (ou packés) et les enveloppants (ou packants) pour que tant de professionnels volontaires se mobilisent pour ce soin très exigeant

=en temps,

=en présence à l’autre et à soi

=et en esprit d’équipe.

Que se passe-t-il entre les protagonistes qui sont :

  1. d’une part la personne souffrante, malade1, qui va accepter d’abord avec hésitation et parfois avec inquiétude , , pour ensuite s’engager avec confiance dans cette relation.
  2. d’autre part l’équipe pluridisciplinaire engagée.

=Que s’est-il établi, installé entre eux pour que :

— des enfants réticents pour tous les ateliers proposés se dirigent volontiers vers la salle de packs, ou cessent de gémir si on leur propose un pack alors qu’ils n’ont pas l’usage de la parole

  • des malades dans l’institution vont jusqu’à écrire à l’équipe pour demander des packs

=Que se mobilise-t-il de si fort malgré les obstacles matériels :

  • un si grand temps de personnel nécessaire, de trois à 6 personnes,
  • régularité absolue des séances

et surtout les obstacles idéologiques que représentent les divers opposants.

Je pose comme principe que c’est parce que le packing

  • permet d’aller en deçà des positions défensives, quelles qu’elles soient,
  • et ainsi amène une plongée dans l’intime

La particularité de cette plongée dans l’intime, qui concerne d’abord la personne enveloppée, va attraper de surcroît, et par surprise, les enveloppants au fur et à mesure de leur implication et va les amener à se défaire d’une éventuelle position de voyeur.

Et c’est cela qui attire les uns et inquiète les autres, voire les rend agressifs.

Comme le packing est une psychothérapie, donc une relation, une inter-relation, chacun va accueillir ce qui advient :

    • avec ses outils d’écoute professionnels
    • mais aussi avec son intime.
    • Plus tard avec l’intime de l’équipe formée par le binôme ou trio qui enveloppe ce jour là. Le pack ne sera pas semblable suivant celle-ci, et tant mieux.

Donc chacun va accueillir différemment, car passé le rituel de l’enveloppe,, du mouillé, ce n’est pas un soin avec un protocole fixe, avec des objectifs et un résultat prévisibles. Il n’y a pas de certitude, sauf celle de « on s’y colle ».

Le packing n’est pas un soin corporel.

L’essentiel, c’est l’Approche, la Présence, l’être-avec, l’être ensemble.

Et surtout pas « tirer les vers du nez ». Le malade n’est pas un tube (de lait concentré ou de crème de marrons) qu’on presse pour s’emparer du contenu !

Après 10 ans de pratique Nicolas résume ce qu’il a appris tout ce temps « être-avec ça suffit », après un pack de Betty qui s’étonnait qu’elle s’y sentait enfin vivante alors qu’à la piscine, où on se mouille aussi, elle se sentait toujours morte.

Alors que peut-il se passer dans ce packing ?

On se découvre les uns et les autres, un intime d’une autre teneur . La plongée en soi est soutenue par la relation particulière transfert-contretransfert,.

Ceci va permettre une relation qui va tirer hors de sa souffrance la personne enveloppée, une relation avec son psyché-soma et son affectif.

En 1995, alors que nous parlions du packing avec Oury, il a affirmé ceci dont je n’avais pas mesuré la portée sur le moment, mais seulement au fil des années : « le packing modifie complètement les positions du binôme soigné-soignant c’est pourquoi il est si difficile et délicat à mettre en place » .

En corollaire, il affirmait aussi : « on ne peut se considérer « soignant » que si on accepte en retour d’être soigné par le soigné ».

Comment développer cette position ?

C’est pourquoi , comme pour tout soin basé sur la relation, il est indispensable qu’un lieu intime soit institué pour accueillir le « matériel » accumulé par chacun des packants, au fil des séances. La réunion d’associations libres et de réflexion qu’est la supervision est indispensable : réunion assurée par une personne de préférence extérieure à l’institution, de préférence psychanalyste, mais il est nécessaire qu’elle aussi s’investisse et qu’au pack elle s’y soit collée.

Cette réunion doit être reconnue institutionnellement. En voici en exemple : le nouveau médecin chef de service de psy D, prenant ses fonctions, vient confirmer l’engagement du service dans le packing, au début d’une séance de supervision. Il y a précisé que ne pouvaient être membre du packing que ceux qui participaient aux réunions de supervision..

Ce qui signifiait que ce médecin a, lui aussi, comme je l’ai, notion du pouvoir malsain qu’on peut avoir sur un soigné,un patient (là le mot est approprié) qui est à notre merci, emballé, dans une position émotionnelle accrue, allongé et avec les autres soignants au dessus de lui, avec tout ce qui peut surgir de nos pulsions, ou manipulatrices ou sadiques ou dévorantes.

D’ailleurs,les rares personnes refusant d’y participer sont ceux qui se situent en position de maîtrise, (discours du maître de Lacan) , veulent diriger la vie du malade et surtout ne pas se mouiller

Comment se déroulent ces réunions de travail :

Pendant les premiers mois, ce sera surtout narratif : centré sur les découvertes étonnantes que fait l’équipe. Le packé est si différent dans son emmaillotement :il cesse de délirer, de parler sans arrêt, ou se met enfin à parler, il cesse de s’attaquer, de s’agiter, il semble présent.

Et pendant ces débuts des réunions de supervision, il faut s’apprivoiser, s’assurer de la fiabilité et de l’accueil chaleureux du cadre et mesurer la capacité de chacun à changer de registre de paroles. Car il va s’agir de ce que Lacan appelle « parole parlée 2» et combien cette parole associative va devenir de plus en plus étonnante, ouverte.

La protection qu’est le pack , inconnue jusque là ,permet d’ôter le couvercle protecteur, chez tout un chacun qui le vit :autistes, psychotiques, névrosés, normopathes, et même bien sûr chez les packants qui s’y risquent et s’en trouvent confortés.

Dans le pack, nous ne sommes pas dans le « raconter 3» mais dans l’éprouvé :

Ce n’est pas d’Histoire dont il s’agit, même si ce n’est que dans la sécurité du pack que se libérera la parole et le récit de traumas secrets.

Voici une parole de packé, personne mélancolique peu de jours après une grave TS :4

Quand je dis que j’étais comme du lait dans un bol blanc, c’est quelque chose d’intime, on est intime avec soi. Une grande intimité au-delà de la parole. Une grande proximité. On peut tout sentir sans raisonner. Dans le pack, l’extérieur c’est les drap et vous. D’habitude l’extérieur ce sont mes idées torturantes ».

En entendant ces paroles, vous comprenez que l’essentiel est ce qui se passe dans « l’ici et maintenant, »

C’est-à-dire dans la géographie et le voyage partagé , voyage somato- affectivo-psychique.

Découvrant au fil des séances, l’importance de cette présence dans l’instant, on se pose les questions de : = où se situe-t-on ?

Et on observe, émus, les transformations :les membres moins raides, le ventre qui se soulève,

la gorge qui s’apaise, le cri qui peut sortir, la respiration qui se débloque

Et même des bruitages pharyngés inconnus : Après 6 packs, Emma, petite fille polyhandicapée, qui ne pouvait qu’avaler « tout rond »de la nourriture liquide, a découvert l’usage de sa langue de ses dents pour manger. Elle nous avait étonnés par ses découvertes oro-pharyngées nouvelles à chaque séance.

On marche ensemble. Aurait-on pu imaginer qu’Emma pourrait manger. On pensait plutôt à une stomie !

Les uns accompagnent l’autre qui tâtonne son chemin pour qu’il ose poursuivre. Personne ne sait où on va arriver, car c’est une exploration.

Mais l’enveloppé sait, lui, qu’il n’est pas observé, mais accompagné au plus près, sans la curiosité.

Qu’il est respecté, en sécurité.

Au fur et à mesure des packs et des supervisions, le packant va lui aussi être transformé et s’étonner de ne plus être sensible à l’histoire, de ne plus être seulement « toute ouïe » , mais tous sens ouverts . Ainsi Martine a constaté et s’en émerveillait : « au dernier des packs de Laurence , mon ventre a parlé tout le temps du pack ». Martine prenait congé avec son cerveau mésentérique de cette rencontre intime et exceptionnelle et pourtant épuisante et angoissante, qu’elles avaient vécu pendant cette longue cure. Cette cure qui avait permis à Laurence que tous les soins et activités proposés amènent une transformation de son état et non simplement une sédation passagère de ses troubles. Je ne me risquerai pas à dire une guérison bien sûr : mais transformation. Un changement de registre ou d’organisation a été possible.

Et, par conséquent, un changement en retour de la part du collectif.

Donc les packants se transforment au fur et à mesure qu’ils se permettent d’être dans ce qu’ils éprouvent, dans l’instant, « l’ici et maintenant ». Carole dit : « maintenant que nous sommes dans l’éprouvé, on ne supporte plus que ça raconte ». Pour cela, il a fallu outre la formation, être écoutés encore et encore sur ce qu’ils ont vécu pendant les séances de supervision.

Et aussi quand ils l’ont souhaité le vécu pour eux-mêmes d’une séance de packs . Eléonore, infirmière, avec une longue expérience, s’est émerveillée après avoir été « packée » : « c’est extraordinaire de sentir autant d’attention pour soi et se sentir si précieux ». Ce qu’elle a vécu là, lui a été un viatique pour persévérer dans des packs très lourds : quand l’équipe se détermine à rencontrer une personne dans le puits profond où elle est recroquevillée.

Elle disait aussi en parlant de la présence qu’elle avait pu garder lors d’une VAD très périlleuse : « c’était comme un pack ! ». Ce jour là, elle m’a appris qq chose sur les enveloppes psychiques.

J’apprends beaucoup des collègues de s séances de supervision.

5Personnellement, de toute approche psychothérapique : psychanalyse, haptonomie, psychodrame c’est dans le pack que je me suis sentie le plus proche, le plus en adéquation avec l’autre.

Mais après cette proximité, le détachement est nécessaire, la scansion du temps entre les séances, et la mise en mots.

Le pack est un révélateur : encore faut-il accueillir et non solliciter sur ce qui nous intéresse.

Bien sur, cela se présentera différemment pour les personnes autistes qui n’ont pas encore de repérage dans le temps, qui sont obligés, en se mutilant, de se faire souffrir pour sentir leur existence et diminuer leur angoisse.,. Pour eux les packs, qui permettent un sentiment d’existence de soi, seront plus fréquents, parfois quotidiens : ce sera le seul moment de la journée où la paix sera possible.

Mais leurs packants auront besoin de beaucoup de temps de supervision, pour que ces enveloppements ne deviennent pas

– routine,

– contention

– ou comportementalime : « on veut ton bien, donc on t’apprend à t’habituer à rester une demie heure sans pouvoir te mutiler ».

Car on se trouverait dans la position que Lacan nomme : « le discours du maître » . –ou le soignant, supposé savoir attend du sujet-objet une réponse convenue.

 Winicott

Or il s’agit de réunir les conditions de s’impliquer ensemble, dans un élan de transfert les uns envers les autres au service « d’une ambiance de souci » pour cet autre enveloppé , ambiance proche de ce que Winnicott6 nomme préoccupation maternelle primaire.

Ce qui ne signifie pas, bien sûr, que le pack soit un maternage, ni un nursing, soins nécessaires mais différents.

Je précise. Winnicott affirme :

« Un bébé tout seul , ça n’existe pas ». Le bébé et sa maman sont une unité qu’il nomme « individu-environnement ».

Ce sont les contacts tactiles de la maman avec son bébé (appelés handling) et sa façon de le bien porter affectivement (holding) qui permettent

= à la psyché du bébé de venir habiter son corps

= et au bébé de se distinguer de sa maman.

C’est le temps de la dépendance absolue quand la mère (non déprimée ou non psychotique) est dans un état de préoccupation maternelle primaire. C’est cette dépendance absolue qu’on propose dans le pack, ce qui par voie de conséquence demande une fiabilité absolue de la part des psychothérapeutes-packants.

Winnicott utilise l’expression « régression à la dépendance ». C’est-à-dire au mode de relation de cette époque. Si le packé s’autorise cette dépendance dans lequel on l’installe du fait du setting, il nous faudra être cohérent et répondre aux besoins exprimés, dans le pack.7.

L’Haptonomie a aussi considérablement ouvert notre pratique du packing en développant la capacité de présence à l’autre,8. Etre présent à l’autre dans son intégralité, des pieds à la tête, sans oublier sa tridimensionnalité permettra de contacter la personne et non d’appliquer les mains sur un corps.

Après tout ce développement où je me suis adressée à votre esprit de compréhension et réflexion. Ce qui est éloigné de notre position d’accueil dans le pack où nous accueillons la personne avec sa corporalité, c’est à dire son psyché-soma : c’est la particularité du packing et de l’haptonomie : la personne est contacté dans son entier. Notre personne avec sa corporalité, tout notre sensorium, cad tout nos sens sont ainsi engagés, avec la corporalité de l’autre, le sensorium de l’autre. Ceci est indissociable de l’affectif.

Ainsi quand Martine s’est étonnée d’avoir été sensible à la séparation d’avec les packs de Laurence jusque dans l’intime de son ventre, cela a permis à une collègue d’oser évoquer les larmes qui lui étaient venues pendant un autre pack.

Avant de terminer, il faut ici citer, même si c’est brièvement l’importance du travail et des écrits du psychiatre psychanalyste Gaetano Benedetti, qui mettent des mots sur ce que je ressens du packing, surtout avec des personnes psychotiques :

Ce qui permet de rester dans la qualité de présence requise pour vraiment être là dans une situation très difficile : c’est que nous sommes dans une identification partielle avec la personne enveloppée.

Il a nommé sujet transitionnel ce qui se passe alors entre le « malade » et le psy. pour qu’il soit possible de se rencontrer.

Voici comme il le présente :

L’indentification partielle du thérapeute avec le patient est perçue immédiatement, tant par le second que par le premier. Elle conduit à une identification symétrique du patient avec l’image que le thérapeute, en s’identifiant, dessine de lui.

Manifestement, de tels phénomènes surviennent dans un espace qu’on pourrait appeler l’inconscient thérapeutique commun et que seule l’intuition du thérapeute peut entrouvrir. Cet inconscient thérapeutique commun est le cadre dans lequel s’esquisse ce que j’appelle le « sujet transitionnel ».

Antoine Fontaine qui a organisé un colloque sur benedetti , avec ses collègues que vous avez entendus écrit, dans la revue santé mentale « un langage dépourvu d’implication émotionnelle ne peut être opérant sur la souffrance ».

C’est pour assumer tout cela sans tomber dans un pathos cafouilleux qu’il faut pouvoir le poser quelque part. C’est ce que permet d’analyser les séances de supervision.

Juliette Planckaert

octobre 2011 – Blois :Croix-marine

1 Malade : « dont la santé est altérée » in Dictionnaire culturel de la langue française, Alain rey

2 Lacan l’appelle « parole parlée » et Veldman « parole parlante »

3 carole : « depuis qu’on est dans l’ »éprouvé »on ne supoorte plus que ça raconte »

4 « le pack, c’est quelque chose de nu, pas seulement quelque chose de corps , il ne peut y avoir des gens autour qui soient spectateurs. Toi et Didi, c’est vous qui m’aidiez à me mettre à nu. C’était bon. Quand je disais que j’étais comme du lait dans un bol blanc, c’est quelque chose d’intime, on est intime avec soi. Une grande intimité au-delà de la parole. Une grande proximité. On peut tout sentir sans raisonner. Dans le pack, l’extérieur c’était les draps. D’habitude l’extérieur ce sont mes idées torturantes ». G nombreux épisodes de mélancolie avec idées de persécution.

5 Les packés qui peuvent parler ont le même besoin de parler dans l’après coup : à leur référent, à leur psy, à leur médecin. Anna qui a des packs ambulatoires, sans avoir jamais été hospitalisée, « c’est comme si je passais d’un monde à l’autre, ça fait du bien de dire tout ça. Dans la mesure où je n’y avais pas encore mis de mots, même seule, y’avait qq chose qui manquait, comme si ça n’était pas abouti. Le pack c’est un révélateur ».

6 Ce sont les psychanalystes anglais qui apportent le plus références pour penser notre travail de packants.

7 L’apport de Bion est indispensable : nous prêtons notre espace pssycho-affectif pour permetrter à la fonction alpha d’exister

8 La corporalité, c’est la manière personnelle dont on vite et donc présente son corps.